samedi 24 mai 2014

[Chronique] Arch Enemy - War Eternal

Le changement pour ne rien changer.
Je ne pense pas avoir à revenir sur la démission d'Angela Gossow et son remplacement par un modèle plus jeune, je vous ai déjà livré le fond de ma pensée en long en large et en travers il y a quelques mois, si ça vous intéresse, c'est ici que ça se passe.
Bref, c'est donc un Arch Enemy renouvelé à 40% qui se présente ici avec War Eternal, avec donc une nouvelle figure de proue et l'arrivée de Nick Cordle en remplacement de Christopher Amott, parti pour la seconde fois, cette fois-ci surement définitivement, un groupe qui joue gros avec son nouvel album, et qui se doit surtout de réagir après un Khaos Legions décevant et même carrément bancal par certains aspects, montrant un groupe en perte de vitesse et pas franchement inspiré.
On attend donc une réaction de la part de Michael Amott et ses sbires, surtout depuis le retour en force de Carcass l'année dernière, après tout, les deux groupes évoluent dans le même créneau MeloDeath, et plus que par rapport à sa discographie, c'est aussi par rapport au Surgical Steel des anglais que ce War Eternal sera jugé, et ne tournant pas autour du pot, même en faisant abstraction du capital sympathie et la nostalgie suscitée par l'album des anglais, qui incitait à une certaine clémence, Surgical Steel est largement plus bandant que War Eternal...

Ceci étant dit, il ne faut pas croire que ce nouvel Arch Enemy, en version 3.0 donc, soit mauvais, il n'en est rien, on pourrait même la qualifier le bon à l'échelle de la discographie des suédois, il faut dire également qu'après Khaos Legion, il était difficile de faire plus mauvais, et War Eternal se présente avec ses qualités, mais également les défauts récurrents en vigueur depuis une dizaine d'années.
Car allons droit au but, Arch Enemy, à défaut de se réinventer, ou même encore de surprendre, se contente de faire ce qu'il fait depuis, globalement, Wages of Sin, ce n'est pas encore aujourd'hui que le groupe reviendra aux sonorités de la période Liiva, avec un Death mélodique extrême, très mélodique, toujours aussi influencé par la musique classique, haute technicité, force de frappe d'un point de vue rythmique, mais contrairement à l'album précédent, tout cela est bien plus consistant, plus nerveux aussi, le genre d'album qui aurait pu (dû) être une suite à Rise of the Tyrant.
Bien sûr, difficile de passer à côté du changement de vocaliste, elle est québécoise, a les cheveux bleus, et aime les hommes mûrs, je veux bien sûr parler de l'ex-The Agonist, Alissa White-Gluz, où comment remplacer la vieille Gossow par un modèle plus récent, et créer le buzz ainsi qu'une attente totalement artificielle autour de ce nouvel album, yep, tout le monde va en parler de ce disque, et tout le monde va disséquer la prestation de la belle, alors, elle apporte quoi la gamine? Bof, pas grand chose en fait, White-Gluz est sur le même registre que Gossow, peut-être un plus criard, surement l'influence du Metalcore, Angela avait un growl un peu plus profond et "masculin", Alissa est un peu plus énergique, certes, mais souffre du même défaut, le même que la quasi totalité des chanteuses growleuses, l'incapacité à apporter ne serait-ce qu'une quelconque variété dans son chant, une seule facette, et c'est tout, faudra faire avec, mais c'est le cas avec Arch Enemy depuis 2001, c'est dommage, n'importe quel mec ferait mieux vocalement qu'une chanteuse, mais ça vendrait largement moins d'albums, c'est ainsi, Alissa perpétue donc la tradition des vocalistes limités d'Arch Enemy, et oui, j'inclus également Liiva, pour d'autres raisons, car lui chantait vraiment comme une patate, musicalement, avoir une chanteuse n'a aucun intérêt pour Arch Enemy, mais commercialement, c'est une autre histoire, et c'est toujours plus classe en concert de voir une bonnasse prendre des poses de Power Ranger qu'un random barbu qui aurait une palette vocale plus élargie.
Ah, faut quand même signaler un point positif, ce nouvel album est une fois de plus garanti sans chant clair, c'est toujours ça de pris, comme quoi Arch Enemy résiste encore à quelques tentations putassières, le dernier bastion "trve" du groupe, et tant pis si White-Gluz sonne de manière très girly, car cette fois-ci, aucun doute dès la première écoute, c'est bien une gonzesse qui chante, le growl est moins profond qu'avant, mais plus énergique, mais j'imagine que comme avec Gossow, c'est bidouillé et pitché de la même manière.
Musicalement, aucune surprise à attendre de l'album, c'est du Arch enemy pur jus, avec un surcroît de violence et d'agressivité, histoire d'oublier Khaos Legion, le son est plutôt abrasif, les rythmiques sont toujours aussi imposantes, et les riffs sont plutôt tranchants, je dirais même que plus que la nouvelle chanteuse, c'est le nouveau guitariste qui apporte quelque chose au groupe, après tout, Nick Cordle est une redoutable fine lame qui vient d'Arsis, ce qui explique surement la hausse du niveau d'agression d'Arch Enemy, je n'ai rien contre Christopher Amott, mais j'ai du mal à croire que les raisons de son départ du groupe (en gros, marre de jouer du Metal extrême) n'aient pas influé sur le côté parfois ultra mollasson de Khaos Legion, bref, Cordle, c'est la bonne pioche et surement le moyen de revitaliser un peu la section riff du groupe, et le gaillard va s'en donner à cœur joie dans les batailles de soli endiablé avec le bon vieux Mike Amott.
Ok, c'est plus agressif, plus nerveux aussi, mais malgré cela, Arch Enemy fait du Arch Enemy, avec les mêmes tics de compositions, les légères orchestrations symphoniques, discrètes mais faisant leur petit effet, et les suédois cèdent à leurs habituelles facilités d'écriture, car tout ça sonne malgré tout déjà entendu, notamment tout un paquet de leads qui donnent l'impression d'être du recyclage pur et simple, mais bon, on parle de MeloDeath là, le recyclage et le fait de tourner en rond font parties intégrantes du genre, et l'originalité ne sera jamais au rendez-vous, ce n'est pas vraiment là qu'on pourra véritablement critiquer le groupe, Arch Enemy nous sert sa tambouille dont la recette est connue, une soupe consistante quand même, avec ses mélodies faciles et catchy, et juste ce qu'il faut de violence pour que ça tienne la route.
Par contre, comme c'est toujours autant inspiré par le classique, c'est toujours un peu plus prétentieux que la normale, l'intro sous-titrée Prelude in F Minor, c'est de la pure connerie prétentieuse qui semble se traduire par On est bien plus classe que Carcass, c'est pas ici que vous aurez des influences Grind, même si le premier vrai titre va débouler tout en muscle et directement dans ta face, après tout, il fallait bien prouver dès le début que la White-Gluzz savait envoyer du gros, dommage cependant que les paroles de Never Forgive, Never Forget soient aussi immatures et manichéennes, ce qui est désormais courant dans les productions Arch Enemy, sorte de prose rebelle adolescente à deux balles, on regrettera aussi que malgré le fait que ça envoie, avec notamment un bon passage de leads très virtuose, on est dans un morceau très linéaire et à la structure bien trop familière, comme le single éponyme bien trop classique pour qu'on y fasse réellement attention.
Et c'est bien le problème de l'album, War Eternal est une collection de hits, de singles en puissance, où tout est fait pour les rendre les plus efficaces possibles, mais qui ne comporte absolument aucune surprise, aucune nouveauté, et War Eternal est surtout un album prévisible au possible qui n'apporte au final pas grand chose, à part bien sûr quelques titres qui viendront agrémenter la setlist, ils essaient tellement de faire des hits mémorables à tout prix qu'on abouti presque à des fillers qu'on oublie aussitôt après écoute, et bien entendu, tout cela sonne incroyablement safe, en utilisant leurs traditionnels effets de styles à base d'orchestrations symphonique, comme sur You will know my name ou Time is Black, et l'on passe son temps à essayer de se rappeler sur quel album on a déjà entendu telle mélodies ou telle lead plutôt que d'apprécier véritablement les morceaux, c'est vous dire à quel point tout cela est réchauffé et recyclé, un peu gênant quand même.
Bien sûr, on retrouve pas mal de passages agréables, les solis notamment, c'est du déjà-entendu, mais il faut quand même avouer que les deux guitaristes se déchaînent lors de batailles de six cordes de haute volée, de la même manière le chant de White-Gluz est moins pénible sur la durée que celui de Gossow, et sonne de manière un peu moins forcée, il faut dire aussi qu'elle n'est pas particulièrement mise en avant par le mix, une bonne idée, qui permet de mettre l'accent sur les riffs plutôt que sur son chant, mais voilà, le problème est toujours un peu le même, War Eternal est très stéréotypé, et se met à poil bien trop vite, dès la première écoute, et il n'y a plus grand chose à découvrir lors des écoutes suivantes, malgré tout, cela reste un excellent produit de Death mélodique de consommation courante, mais pas grand chose d'autre.

Rassurant, c'est bien la seule chose à retenir de ce nouvel album.
A défaut de proposer quoique ce soit de neuf, les experts du recyclage suédois nous prouvent au moins une chose, qu'ils sont toujours capable d'appliquer leur formule, la même qu'ils utilisent depuis plus de dix ans, sans trop se vautrer, c'est peu, mais c'est déjà pas mal, et j'ai le sentiment qu'ils seraient bien incapable de faire autre chose.
Ceux qui ont quitté le navire après la période Liiva n'ont aucune raison de revenir, ceux qui aimaient la période Gossow ont toute les raisons d'être rassurés, c'est à deux poils de cul près la même chose, avec un War eternal qui se rapproche plus d'un Rise of the Tyrant que d'un Khaos Legion, ce qui est quand même une bonne chose.
En dehors de ça, c'est agressif, technique, l'influence de la musique classique est toujours présente, ça envoie souvent le pâté, mais pas trop, car après tout, faut pas trop effrayer le kid et la branche féminine du public, et White-Gluz s'avère un bon remplacement, Gossow en plus jeune quoi, en un peu plus énergique aussi, mais ce n'est pas franchement une révolution, juste un changement marketing pour tenter d'attirer un public plus jeune, et tant pis si la musique n'est que du recyclage, War Eternal fournit son quota de tubes, de leads virtuoses, et de riffs acérés, formule typique d'Arch Enemy, sans surprise, qui marie toujours aussi bien ses aspects extrêmes avec ses aspirations easy-listening, facile, catchy, rassurant, mais pas franchement intéressant...

Le changement, c'est pas maintenant
Track Listing:
1. Tempore Nihil Sanat (Prelude in F minor)
2. Never Forgive, Never Forget 
5. No More Regrets
6. You Will Know My Name
7. Graveyard of Dreams
8. Stolen Life
9. Time Is Black
10. On and On
11. Avalanche
12. Down to Nothing
13. Not Long for This World