jeudi 7 décembre 2017

[Chronique] Desolate Shrine - Deliverance from the Godless Void

Depuis son apparition en 2011 avec Tenebrous Towers, les finlandais de Desolate Shrine se sont progressivement imposés avec les deux albums suivants comme une force majeure d'un Death Metal obscur et cryptique, punitif et sauvage, qui a eu cette tendance en trois albums à intégrer de plus en plus d'influences diverses afin de créer un art noir singulier, leur troisième offrande, The Heart of the Netherworld, était marquée par cette volonté de gommer les frontières entre des genres extrêmes bien précis et identifiés, développant un Death apocalyptique en tout point impressionnant, tout ça pour vous dire que c'était une grosse branlée et que j'attendais que ce quatrième album soit au moins une aussi grosse mandale dans la gueule, spoiler alert, c'est le cas.

Deliverance from the Godless Void est fondamentalement un album de Death Metal, il n'y a aucun doute là-dessus, mais c'est bien l'ajout encore plus massif de Doom angoissant et d'un harnachement Black Metal qui vont véritablement le guider et le modeler vers un Death encore plus cauchemardesque qu'auparavant, comme une sorte de transcendance du Death Metal originel, The Primordial One sera violent, brutal, proposant son barrage de blast beats et sa tornade de riffs in your face, mais il sera marqué par un songwritting sinueux qui joue sur les rythmes et les genres sur lesquels les finlandais choisissent d'orienter le propos, un blackened Death qui sera chargé d'un étrange sens du groove doublé d'un enrobage de Doom, principalement dans une ultime minute particulièrement massive et glauque de part l'utilisation d'un piano erratique qui va créer un profond sentiment de malaise.

Lord of the Three Realms insistera davantage sur la volonté de Desolate Shrine, ou plutôt de son principal compositeur et unique instrumentaliste LL (ouais, le mystère c'est trve, le groupe n'a d'ailleurs pas changé et ce sont toujours les deux vocalistes RS et MT qui complètent le projet), de jouer sur les tempos et les variations de styles, avec un morceau finalement très classique dans son approche Death blackisé, mais incroyablement vicieux, le fait d'avoir deux vocalistes qui se complètent assez bien permet de créer des structures vocales aux textures particulièrement intenses, qui se rajoutent à des leads fantomatiques qui développent des atmosphères angoissantes qui jouent sur une certaine répétition et un sens du groove qui va s'avérer très présent sur tout l'album, on ne sent rend pas forcement compte aux premières écoutes, mais le disque est plutôt groovy dans son genre.

Desolate Shrine va également se montrer plutôt transgressif avec ses propres règles en explorant de nouveaux territoires, le pavé de dix minutes Unmask the Face of False sera ainsi un pur morceau de Doom/Black symphonique ou les finlandais se montreront impérial dans l'élaboration d'un gigantesque morceau épique et foutrement emphatique avec ses claviers grandioses à la Dimmu Borgir, atmosphérique à mort, mais qui n'oubliera pas les traditionnels soubresauts et spasmes ultra-brutaux avec une tonne de trémolo et de blast beats qui vous tomberont régulièrement sur la gueule, et comme s'il fallait tout de suite contrebalancer l'expédition en territoire Doom symphonique, The Waters of Man sera l'un des morceaux les plus violents de l'album, là encore quand il ne se lance pas dans de fougueuses cavalcades Blackened Death teintés d'orchestrations nauséeuses, Desolate Shrine s'appliquera à développer quelques passages Death/Doom chargé d'un groove délicieusement putride, Demonic Evocation Prayer débutera avec la même véhémence sur deux premières minutes absolument punitives avant de prendre une orientation plus massive et ambiancée.

D'ambiances il sera aussi question avec un The Graeae qui n'hésitera pas à utiliser de vastes plages atmosphériques séparant les différents mouvements de ce morceau de Doom/Death massif et orienté mid-tempo, là encore, on soulignera la qualité des arrangements, qui ajoutent de l'émotion sans jamais surcharger l'ensemble, c'était déjà une grande qualité sur l'album précédent, c'est peut-être encore davantage maîtrisé aujourd'hui, les orchestrations étaient habituellement utilisées chez Desolate Shrine pour créer un sentiment claustrophobique, d'angoisse, mais ici, on est parfois en plein trip symphonique grandiloquent, comme sur le final de The Silent Star ou tout simplement le dernier titre ...Of Hell et son Doom diabolique plein d'emphase, et ils en font peut-être un peu trop, il faut bien avouer que parfois le groupe en fait beaucoup dans l'atmosphérique symphonique au détriment de la violence et de la force brute, il faut également noter que la production est ici un poil plus claire et clean, ce qui a tendance à rendre l'album un peu moins vindicatif, je n'irai pas jusqu'à dire que le son est accueillant, mais il est moins obscur que par le passé, ce qui est tout à fait logique vue l'orientation atmosphérique de l'album.

Plus de clarté dans le son, plus de Black, plus de Doom, plus d'atmosphérique, et un songwriting de très haute qualité pour faire tenir tout ça sans que cela ne s'écroule sous son propre poids ou que cela n'impacte trop la partie Death brutal du bouzin, Deliverance from the Godless Void s'avère être une sacré bestiole où Desolate Shrine démontre une réelle évolution sans forcément renier ce qu'il est, fondamentalement un groupe de Death Metal, qui se veut désormais plus éclectique mais toujours aussi vindicatif dans son approche sonore, un Death qui intègre allègrement et avec brio du Black, du Doom, et des arrangements symphoniques dantesques, au sein d'un ensemble qui demeure malgré tout toujours aussi punitif et apocalyptique, le groupe développant également un certain sens du groove et une vraie dimension émotionnelle, avec ses enchevêtrements de textures suffocantes et ses cascades de riffs et de blast beats, du très grand art.