samedi 25 mars 2017

[Chronique] Demonic Resurrection - Dashavatar

Du Metal qui sent le curry et le poulet Tandoori, on en a déjà eu dans le passé, on citera volontiers les russes de Kartikeya pour le Melodeath ou les tchèques de Cult of Fire pour le Black Metal épicé aux charmes de l'orient, avec Demonic Resurrection, on franchit un pas et on monte d'une caste dans la street-cred puisque là pour le coup le groupe vient de là-bas, d'Inde, et ce ne sont pas des cochons, puisque le groupe de Demonstealer, plus ou moins le seul membre permanent du projet, s'est taillé une assez jolie réputation avec ses quatre premiers albums, principalement dans un registre Black/Death symphonique très marqué par Cradle of Filth qui, étrangement, n'explorait pas franchement la riche histoire de sa région d'origine, n'intégrant que très peu de sonorités exotiques, si j'insiste sur ce point-là dans cette introduction, vous avez deviné, c'est qu'avec ce cinquième album, ça a changé, et Demonic Resurrection nous propose presque un album qui pourrait être sponsorisé par l'office du tourisme du Maharashtra tant il est imprégné de saveurs exotiques.

Après le Metal gothique, le Black symphonique, et l'inclusion d'éléments Death dans la tambouille, c'est quasiment un Demonic Resurrection tout neuf bien décidé à tout changer qui se présente ici, et avec Dashavatar, on sera dans Black/Death mélodique/Power Metal folk symphonique progressif, ouais, tout ça, l'ami Demonstealer a tout mis, et plus que de Cradle of Filth, c'est plutôt du côté d'un mix de Chthonic et de Melechesh qu'il va valoir se tourner pour les références, ça et tout un tas d'autres trucs, car l'album contient également quelques ramifications Power Metal à la Blind Guardian et surtout de très nombreuses orchestrations Folk, c'est ce qui est le plus facilement notable dès le premier titre Matsya - The Fish, qui débute avec de la voix off et de la sitar exotique, sacré déclaration d'intention qui met tout de suite dans l'ambiance, pour un morceau au riff typiquement Mélodeath très portée sur les claviers et les instrumentations exotiques, le morceau dégageant une certaine emphase, quelques parties bien Death assez speedées qui rappelleront à certains l'autre groupe solo de Demonstealer qui pratique ce genre de Death/Thrash, sans le harnachement symphonique ni même la même ambition, car c'est bien un album ambitieux qu'est Dashavatar.
Il est malin Demonstealer, car pour justifier un album très varié et faire coller ensemble toutes les influences et les styles différents, il va nous proposer une espèce de concept-album sur Vishnou, et plus précisément ses dix avatars/incarnations, n'espérez pas une analyse plus poussée des mythes hindous ou de Vishnou, mes connaissances en la matière s'arrêtant à Indiana Jones, on ne risque pas d'aller bien loin, bref, partant de là, chaque morceau aura tendance à dévier du précédent tout en gardant malgré tout une ligne directrice, il faut dire aussi que la qualité du songwritting n'a jamais été aussi haute du côté des indiens, car en plus de proposer des titres très dynamiques où il se passe toujours quelques chose, on aura aussi droit à un véritable enchevêtrement de textures sonores, d'orchestrations et de types de chant.

On sent bien avec Dashavatar que Demonic Resurrection n'avait pas envie de se limiter à sa formule habituelle, The Demon King commençait déjà à intégrer certains éléments Power et Folk il y a trois ans, Dashavatar va beaucoup plus loin, tellement loin qu'on a l'impression d'entendre un groupe différent, qui a réellement progressé dans l'écriture de longues pièces plutôt épiques, Kurma - The Tortoise intégrera une bonne louche de chœurs hindous et même du chant féminin, les orchestrations indiennes seront toujours aussi présentes, véritablement intégrées aux morceaux et pas seulement comme de l'enrobage, Demonic Resurrection a vraiment bossé sur ce point-là, l'ambiance indienne n'est pas du tout un gadget et forme presque la base des morceaux, ce qui va nous donner des pièces particulièrement riches en textures, Varaha - The Boar sera très porté sur le progressif avec de curieux effets sonores et une sorte de mix entre le Death mélodique et le Power, l'utilisation bien plus intensive du chant clair jouera évidemment sur cette perception de rapprochement avec Blind Guardian, de même que les claviers apportant emphase et souffle épique.

Fort heureusement, malgré tout, Demonic resurrection reste fermement un groupe de Metal extrême qui adore toujours autant bidouiller dans le Black/death mélodique, en jouant parfois avec les références comme par exemple un Krishna - The Cowherd très Folk et mélodique qui n'est pas sans rappeler Amorphis, alors qu'un Rama - The Prince aura ce petit côté Death mélodique direct malgré des contours progressifs qui ne retire rien à la hargne générale du morceau, petit point noir avec le duo Narasimha - The Man-Lion et Parashurama - The Axe Wielder placé en milieu d'album qui ne montre pas la facette la plus inspirée de l'album, les deux morceaux sont d'ailleurs de structures similaires et se contentent de globalement ressasser les mêmes éléments sans vraiment de plus-value ou de mise en perspective, c'est un peu plat et assez manichéen dans le traitement des orchestrations, ce qui est dommage et incompréhensible, car niveau orchestration, Demonic Resurrection est capable de bien mieux comme les deux morceaux finaux qui sont presque intégralement bâtis autour d'atmosphères mystérieuses où l'on vit quasiment une expérience mystique, avec notamment un climax symphonique particulièrement sombre.

L'air de rien, avec sa nouvelle évolution, Dashavatar est d'assez loin le meilleur album de Demonic Resurrection, le plus ambitieux, et le plus abouti, l'intégration d'instruments traditionnels et de mélodies orientales permettent au mix Melodeath/Black Sympho/Power Metal de vraiment décoller et d'atteindre une nouvelle dimension, le petit soupçon de progressif ajouté par-ci par-là n'y est pas étranger non plus.
En dehors d'une partie centrale un peu moins inspirée sur deux-trois morceaux, Dashavatar est un excellent disque, qui aurait par contre mérité un son moins compressé et une production plus chaleureuse et organique, l'album a un son correct mais un peu trop passe-partout et clinique, comme pas mal de groupes indépendants, ce qui a tendance à nuire à l'émotion générale de l'album, il n'en demeure pas moins que c'est plutôt acceptable de ce côté-là, et Demonic Resurrection propose un album particulièrement varié, richement texturé, qui fonctionne globalement bien sur la durée, bien aidé par son fil conducteur et un songwritting audacieux et maîtrisé.