dimanche 8 mai 2016

[Chronique] Malevolentia - République

La France a toujours produit des tonnes de groupes de Black depuis plus de vingt ans, mais paradoxalement très peu dans le domaine du Black symphonique, il faut dire aussi que c'est un genre un peu plus compliqué qui nécessite plus de travail, et surement plus de budget, que le simple fait d'enregistrer une tape à l'arrache dans une cave, et depuis le décès d'Anorexia Nervosa, c'était un peu le désert dans le giron du Black sympho franchouillard, ça tombe bien, il y a Malevolentia qui débarque avec son troisième album, un groupe qui avance à un rythme de sénateur vu qu'il leur faut en moyenne cinq ans pour sortir un album, je vous parlais d'Anorexia Nervosa et ce n'est pas innocent, la trajectoire et l'évolution du combo de Franche-Comté les amène précisément du côté de l'orchestre du Limousin.

On avait bien compris en 2011 avec son deuxième album Ex Oblivion que la volonté de Malevolentia était clairement de plonger la tête la première dans le symphonique, et c'était pas mal dans son genre, on ne sera donc pas surpris que République aille encore plus loin dans le registre orchestral, et c'est là qu'intervient le rapprochement avec Anorexia Nervosa, car Malevolentia va nous proposer globalement la même tambouille Black Symphonique, ouais, République, c'est du Black Symphonique grandiloquent bruitiste au tractopelle servi avec un Brickwall produit à la truelle, comme pour s'assurer que le disque aura un son de merde peu importe que vous l'écoutiez sur cd dans votre salon ou sur votre téléphone via un mp3 pourri téléchargé illégalement.

Bon ok, je dis son de merde, c'est surement exagéré, disons que le but est ici de vous en foutre plein la gueule en ayant le volume sonore le plus fort possible au mépris de tout dynamisme sonore, du Black sympho en mode tractopelle qui ne fait pas dans le détail donc, bourrin, ultra-violent, surcompressé à mort, et comme c'est très très symphonique, toutes les couches de la musique de Malevolentia se superposeront afin de former un magma sonore épuisant à l'écoute, ai-je besoin de signaler que, évidemment, la batterie sonnera comme une boîte à rythme réglée sur vitesse maximale sans aucune subtilité?

Dommage que cet album ait été produit par un autiste, car sincèrement, Malevolentia vaut largement mieux que ça, vraiment, je le dis sérieusement, ce groupe a du talent, et également beaucoup d'ambition, dans la mesure où on a droit à une espèce de concept album sur... euh... la République, l'état, ce genre de trucs, je dois bien vous avouer que c'est un peu flou et abscons la plupart du temps, on remarquera également l'artwork bien franchouillard où la devise de cette république est remplacée par une judicieuse citation d'Orwell, ambition également au niveau des orchestrations qui ont dû nécessiter énormément de travail, mais à qui la production du bouzin ne rend absolument pas justice.

Là où un Septic Flesh 2.0 avait réussit à caser une surdose de symphonique dans un Metal extrême de gros bourrin en toute décontraction vu que c'est bel et bien le symphonique qui était au cœur de l'ouvrage avec le Death qui s'articulait autour, Malevolentia va tomber dans le piège classique du gargantuesque mille-feuilles symphonique, une musique composée de strates superposées où l'on a jamais l'impression que l'ensemble forme un tout, avec des orchestrations qui ne semblent jamais véritablement intégrées au reste, on a une strate de chant, une strate de riff, une bonne couche de symphonique grandiloquent, une basse qu'on va entendre par moment quand le groupe se calme, et une batterie sans âme et bourrine qui n'a absolument aucun impact, ce qui est plutôt dramatique pour un projet aussi orienté sur le grandiose.

A défaut de la finesse d'un Septic Flesh quand il s'agit d'intégrer du symphonique à du bourrinage, on aura donc un Anorexia Nervosa 2.0 ou un Carach Angren sous stéroïdes, le problème de République, ouais, un de plus, c'est que Malevolentia en fait bien trop dans le symphonique, ici omniprésent, ce qui va considérablement affaiblir l'impact de celles-ci, alors ouais, au début, c'est bluffant, ça pète dans tous les sens, ça crache du feu du partout, c'est gavé d'orchestrations, le petit soucis, c'est que ça va s'avérer chiant et rébarbatif, au point où arriver au bout de l'album est un exploit tant il est épuisant.

Malevolentia est un groupe qui est dans l'excès, dans l'overdose symphonique extrême, dans le bourrinage constant, ce qui est con, c'est que par moment, ce groupe est génial et parvient à être, quand il parvient à s'extirper de son brickwall et de sa surcharge orchestrale, glorieux et grand, un morceau comme Magnus Frater Spectat Te (référence à Orwell encore), pourtant très bourrin et frontal, va pleinement fonctionner, car ce sont enfin les guitares qui se taillent la part du lion, avec des orchestrations qui ne seront globalement présentes qu'en forme d'accompagnement, et qui surgissent brutalement pour souligner un effet, en opérant comme cela, Malevolentia a tout bon, malheureusement, ce sera loin d'être le cas sur les autres morceaux, inutilement surchargés jusqu'à l'indigestion d'orchestrations et de chœurs, comme par exemple Ordo Ab Chao ou un Etemenanki tout simplement insupportable.

Je vous le disais, il y a malgré tout de très bons points, de très bonnes choses sur ce disque, même si elles sont mal utilisées, les orchestrations ont bénéficié d'un travail titanesque, ils en font trop, bien sûr, mais par moment, comme sur Alma Mater et son riffing Black à l'ancienne qui parvient à assimiler l'overdose symphonique du projet, Malevolentia déploie une émotion particulièrement intense, cette émotion passe également par le chant de Spleen, qui est une femme, ce qui est facilement reconnaissable par le caractère particulièrement criard de certains passages, ce qui peut éventuellement rebuter certains, mais la demoiselle a quand même de la haine à revendre et sait se montrer à la fois versatile et perturbante, notamment sur l'excellent duo vocal final Eschatos, c'est ce que je vous disais plus haut, par moment, quand il parvient à sortir de son maelstrom sonore en mode bulldozer, Malevolentia sait faire preuve d'une très grande finesse et d'un caractère affirmé que l'on aurait aimé qu'il développe davantage plutôt que de se contenter d'empiler les couches et de vouloir à tout prix faire le plus de bruit possible.

Plutôt mitigé ce troisième album des français de Malevolentia, et donc plutôt décevant après un Ex Oblivion particulièrement convaincant, République souffre de son overdose orchestrale, de ses excès sonores et de son caractère bruitiste, c'est du bourrin, mais paradoxalement, c'est tellement bourrin qu'on obtient l'effet inverse, et la violence du propos se retrouve diluée dans un déluge de riffs et d'effets en tout genre, République est le genre d'album que je souhaiterai aimer, mais rien que le brickwall est rédhibitoire pour moi.
Malevolentia en fait trop, tout le temps, et on aurait surement apprécié plus de finesse et de retenue, le groupe en est parfois capable par moment, et quand c'est le cas, avec en plus la curieuse dimension émotionnelle du chant, Malevolentia est tout simplement grand, mais ce ne seront que de fugaces instants de grâce perdues dans un déluge auditif épuisant, le trop est l’ennemi du bien.
(Disponible ici)
Track Listing:
1. Protogonos  01:12
2. Annuit Cœptis  02:56
3. Völuspá  07:09
4. Etemenanki  06:40
5. Virtù & Fortuna  00:43
6. Magnus Frater Spectat Te  05:03
7. Requiem Aeternam Deo  04:49
8. Alma Mater  05:41
9. Qohelet  03:38
10. Doxa  01:44
11. Ordo ab Chao  04:03
12. Para Doxa  00:59
13. Nocte & Nebula  06:25
14. Eschatos  06:15