mercredi 4 novembre 2015

[Chronique] Draconian - Sovran

Le délicieux charme des groupes à formule, où malgré les évolutions (ou pas selon les cas), on reste toujours plus ou moins dans les mêmes stéréotypes, Draconian est ce genre de groupe, très facile à décrire en plus, du Doom/Death mêlé à du Goth romantique, quelques orchestrations, du chant de gonzesse en duo avec un homme des cavernes pour le fameux effet Le Belle et la Bête, emballé c'est pesé, ça roule tout seul, stéréotypé comme formule, mais dans le cas des suédois de Draconian, ça a toujours fonctionné malgré tout, c'est surement ce qui s'appelle avoir la classe.
Cela faisait quatre ans qu'on avait plus de nouvelles des suédois, depuis le vraiment pas mal A Rose for the Apocalypse, les mecs avaient disparu de la circulation, et on a même perdu en route la chanteuse Lisa Johansson, sale coup dur, on connait pas mal de groupes qui ne se sont jamais relevés du départ de leur chanteuse, bon, pas Draconian, exit la blonde suédoise, welcome la brune sud-africaine, de toute façon, les cheveux noirs ça colle mieux avec le Goth de corbeaux, surtout que de gothique il en sera pas mal question avec ce nouvel album, coller à la formule ne va pas empêcher Draconian de continuer sa, légère, évolution.

Draconian est ce genre de groupe qui ne sera jamais gros, en tout cas qui ne sera jamais plus gros qu'il ne l'est aujourd'hui, si la carrière du groupe avait dû exploser, elle l'aurait fait il y a longtemps, cela n'arrivera plus au sixième album, ceci dit, ça n'empêche pas que Draconian est un groupe diablement compétent et sympa, ouais, sympa, jamais génial, jamais complètement brillant, et surtout jamais mauvais, Draconian, c'est le bon vieux pot de rillettes du Doom/Goth, c'est pas du foie gras, mais ça passe super bien et y'a rien de mieux sur une bonne tranche de pain de campagne.

Allez, je vous le concède, Draconian est bien plus raffiné que ma métaphore pourrie, proposant un Doom gothique tout ce qu'il y a de plus sophistiqué, romantisme noir et beauté monolithique, délicatement posé sur... du gros riff Doom qui tâche, directement inspiré des maîtres du genre anglais, My Dying Bride en tête, il y a pire comme référence, mais ce n'est heureusement que ça, une référence, car Draconian va ici continuer sur la lancée des derniers albums de l'ère Lisa Johansson, à savoir délaisser quelque peu le Doom pour se rapprocher de la sphère gothique, mais que les fans ne s'inquiètent pas, ça reste fondamentalement du Draconian, on ne va quand même pas reprocher à un groupe de ne pas toujours sortir le même disque.

Tiens, Draconian a embauché Sharon Den Adel...
C'est exactement le sentiment que j'ai eu la première fois que j'ai écouté l'album, Heike Langhans vient peut-être d'Afrique du sud, mais on sent bien que le pays a été occupé pendant longtemps par des hollandais, car la ressemblance entre le timbre de voix de Langhans et celui de Den Adel est plutôt troublante, mais pas la Sharon/reine de la pop comme maintenant hein, plutôt la Sharon d'il y a plus de quinze ans du temps d'Enter, ce qui est plutôt une bonne idée de la part des suédois, la voix de la sud-africaine, plus Rock, un peu plus folk aussi, colle assez bien à l'évolution davantage gothique de leur musique, il faudrait être d'une mauvaise foi totale pour regretter Johansson et claquer la porte de Sovran en gueulant à la trahison.

Heavy Lies the Crown ouvre l'album de fort belle manière avec un début de morceau tout en délicatesse et le délicieux chant de Langhans agit comme une déclaration d'intention, la Belle sera un peu plus mise en avant sur ce titre et sur tout l'album, l'équilibre vocale a été quelque peu modifié et le growl se retrouve désormais légèrement minoritaire, il interviendra d'ailleurs très vite sur ce premier titre et donnera une connotation bien plus lugubre à un morceau très lent, très Doom dans l'esprit, où la cohabitation des deux voix va fonctionner à plein, après tout, Draconian excelle dans ce genre-là, les ficelles sont grosses, notamment les discrètes orchestrations, mais Heavy Lies the Crown est un très bon titre d'ouverture démontrant toute la classe et le talent des suédois, même un peu stéréotypé, ça passe.

Je vous parlais de la petite évolution gothique, elle n'interviendra pas tout de suite, The Wretched Tide est de facture assez classique pour Draconian, le morceau est une nouvelle fois très lourd, très mélancolique, avec des orchestrations au violon rappelant évidemment My Dying Bride, et le titre va un peu accélérer pour un passage central très émotionnel, où le chant féminin plus dominant fera merveille, c'est quand même bien branlé tout ça, et Pale Tortured Blue va s'avérer être l'un des meilleurs titres de la galette avec sa grosse vibe gothique et la voix emprunte de fragilité de Langhans qui fera des merveilles, contrebalancée par moment par le growl de Jacobsson.

C'est dans la seconde partie de l'album que le Goth sera bien plus présent, Dishearten notamment, et surtout Rivers Between Us, où on aura droit à un duo entre Langhans et un guest masculin pour le chant clair, sur ce genre de titre, Draconian se fait plus accessible que jamais, le chant féminin prend presque toute la place, Draconian déplace son centre de gravité, et c'est surement là où le groupe veut en venir tant son évolution tend vers une espèce d'abandon de son Doom/Death originel, tout en restant malgré tout fidèle à de nombreux fondamentaux et une base Doom lugubre, donnant un album extrêmement raffiné qui n'oublie pas ses riffs en route, même si comme d'habitude avec les suédois, s'ils sont parfois brillants le temps de quelques titres, une petite moitié de l'album est composé de fillers, certes pas mauvais, mais qui n'ont pas vraiment le même impact, No Lonelier Star est bien trop long pour ce qu'il propose, Stellar Tombs va souffrir d'un riff d'ouverture complètement foireux avant de se raccrocher aux branches d'un Doom un poil trop classique et il faut bien l'avouer un peu chiant.

Sovran, c'est le nouvel album sympa d'un groupe sympa, ça ne sera jamais brillant du début à la fin, mais ce sera toujours suffisamment solide pour qu'on y revienne de temps en temps.
Il s'avère que Langhans est un remplacement de choix au poste de chanteuse, elle fait largement oublier la précédente, et surtout, elle s'intègre davantage dans le projet gothique des suédois, et l'on a bien le sentiment que même si les racines Doom/Death perdurent encore pour le moment, l'avenir du groupe passe par autre chose.
Quoi qu'il en soit, malgré quelques moments de faiblesses, Sovran est un autre bon disque a ajouter à la discographie de qualité des suédois, Draconian a toujours la classe, ne révolutionne pas grand chose, il faut bien l'avouer, et malgré l'évolution gothique demeure encore dans une certaine zone de confort et un genre dont il maîtrise les rouages depuis bien longtemps, un album en tout point solide, qui ne décevra ni les fans du groupe ni les fans du genre, c'est toujours ça de pris, et c'est toujours plus sympa que de tomber dans une piscine de clous rouillés.

Track Listing:
1. Heavy Lies the Crown  06:38
2. The Wretched Tide  06:09
3. Pale Tortured Blue  06:14
4. Stellar Tombs  06:02
5. No Lonelier Star  07:50
6. Dusk Mariner  07:59
7. Dishearten  06:36
8. Rivers Between Us  06:47
9. The Marriage of Attaris  08:53