mardi 12 mai 2015

[Chronique] Antigama - The Insolent

La Pologne, ça vous cogne!!
Voilà ce que devrait être la devise de ce pays tant les polonais nous abreuvent de groupes bourrins bien méchants depuis de très nombreuses années.
Bref, tout ça pour vous dire qu'aujourd'hui, on va faire dans la poésie et la grande finesse avec Antigama, qui nous délivre avec The Insolent ce qui est déjà son septième album en une quinzaine d'années, ce qui en fait un vieux routier de la scène polonaise, sans compter les nombreux splits et EP habituels du genre, car c'est bien de Grindcore dont nous allons parler ici, du violent, du brutal, de défonçage de gueule en bande organisée sans aucune forme de pitié, bas-de-plafond? au premier abord, un peu, oui, mais Antigama est un peu plus subtil que la moyenne, juste ce qu'il faut pour sortir de la masse des groupes du même genre...

D'une certaine manière, Antigama avait atteint son pic de créativité en 2013 avec Meteor, même si certains objecteront que c'était avec Resonance, chacun son truc, bref, il fallait bien un gimmick à Antigama pour sortir du lot, et arrêter d'être constamment comparé à un sous-Napalm Death, ce gimmick fut pour les polonais de tendre vers un Grindcore bien plus intellectualisé, plus moderne aussi, et surtout, d'arrêter de partir dans tous les sens et de proposer des album bien plus compacts et cohérents, Meteor répondait à ce besoin d'évolution, l'album était certes un peu moins expérimental et fourre-tout que certains de ses prédécesseurs, mais proposait un condensé de pas mal d'expériences passées des polonais.

Malgré tout, les références à Napalm Death sont toujours présentes, ce qui est assez récurrent dans le genre, et l'on ajoutera bien volontiers Pig Destroyer dans la liste des influences, mais pas seulement, Antigama a décidé de se la jouer intelligent en incorporant dans le mix des concepts abstraits, des éléments futuristes à base de sonorités électro-spatiales, et une bonne louche de modernité, notamment des rythmiques jazzy et certains riffs qui le rapproche du Tech Death, un peu.
De quoi rendre tout ça révolutionnaire? Euh... Non, faut pas déconner quand même, Antigama propose surtout un Grindcore basique typé Napalm Death des années 90 avec des bizarreries par dessus et quelques variations culottés, c'était le cas avec Meteor, c'est encore le cas avec The Insolent, sauf qu'un gros méchant Mais ne va pas tarder à arriver: Mais c'est moins bien que Meteor.

Ah le drame, monde de merde, on ne peut même plus faire confiance à une désormais valeur sûre comme Antigama maintenant, me direz-vous?
Pas tout à fait, car là où Meteor était plutôt constant, The Insolent va démarrer très fort, comme si les polonais tiraient leurs meilleures cartouches, et irrémédiablement piquer du nez au fur et à mesure que les morceaux défilent, et ce sont les passages où le groupe va vouloir apporter des choses différentes, plus de diversité, ainsi qu'une relative dimension expérimentale, qui vont faire foirer la seconde partie de l'album, ce sont aussi les morceaux où le groupe ralentit considérablement le tempo pour essayer de proposer autre chose que du bourrinage à haute vitesse, c'est con, car le groupe était largement meilleur lors des passages expérimentaux il y a deux ans, The Insolent donne l'impression que les polonais ont essayé de nous refaire le coup de Meteor, sauf que cette fois-ci ça rate complètement la cible.

Pas d'expérimentations au début de l'album, comme je vous le disait ça démarre fort, c'est certes du classique de chez classique pour Antigama, mais ça fait son effet, avec une volée de titres très courts et percutants, le traditionnel Napalm Death like enrobé d'une bonne couche de modernité, ça va envoyer du lourd à toute vitesse, les six premiers titres oscillant entre une et deux minutes, avec pas mal de micro-cassures et mini variations Tech histoire d'apporter de la diversité dans le mix (Used To), quelques petites introductions abstraites en voix off typées science fiction, et même un peu de vocodeur déshumanisé qui confère une ambiance particulière à des morceaux comme Data Overload ou Randomize the Algorithm, c'est quand même du bien bel ouvrage le temps des six premiers titres, mais ça ne va pas durer.

The Insolent va quelque peu s'écrouler dans la dernière ligne droite des quatre derniers titres, ça n'a l'air de rien comme ça, mais ces quatre morceaux représentent quand même les deux-tiers de la durée totale du disque.
Il n'y a pas grand chose à retenir de Sentenced to the Void et d'Eraser, qui œuvrent dans une espèce de Death/Grind groovy carrément quelconque, j'imagine que le but était d'apporter un peu de diversité, mais c'est plutôt foiré, il n'y a aucune rage, aucun moment particulièrement bandant, et ces deux morceaux sont complètement dispensables.
Antigama va tenter de nous refaire le coup de Meteor (les titres Stargate et Turbulence) en plongeant dans l'électro weirdo avec Out Beyond, et ça va être un ratage intégral, alors que ça aurait, éventuellement, pu être sympa dans le cadre d'une interlude fugace, il va falloir ici se taper les 4'30 de bruitage futuriste, ce n'est pas la première fois pour les polonais, il y avait déjà eu l'instrumental Black Planet sur Warning, c'était déjà super chiant, mais c'était en fin de disque comme une longue outro de sept minutes, Out Beyond, ça sert de très très longue introduction au titre suivant, de part l'utilisation finale d'une voix off qui fait le décompte, à croire que chaque groupe un peu "futuriste" se croit obligé de nous mettre un type qui fait le décompte pour le décollage d'un truc.

Pour terminer l'album, Antigama nous propose un monument d'ennui de sept minutes, ça tombe bien, ça s'appelle The Land of Monotony, et y'a même un bruitage de mécanisme d'horlogerie pour s'assurer que ce soit le plus chiant possible, ça ne va nulle part, ça gueule dans le vide sur une espèce de Death atmosphérique mou du genou, sept putain de minutes sur un disque qui en fait trente-une.
Autre petite défaillance du disque, sa production, avec un bon gros Brickwall ultra clean et aseptisé qui annihile quelque peu l'abrasion dont savait faire preuve Antigama par le passé, le genre de production numérique et froide destinée à artificiellement faire sonner l'album le plus fort possible, sans aspérité, ça sied un peu au concept moderne du groupe, mais ça ne rend pas l'album plus agréable à écouter pour autant.

Antigama se retrouve a tourner en rond dans la niche qu'il s'est créé, celle du Modern Grind intellectualisé, mêlant tradition et modernité, on peu toujours dire que c'est vaguement original, même si les références sont très claires, mais avec The Insolent, Antigama n'expérimente plus, se contenant de nous refaire un Meteor en largement moins bon, le peu de tentatives d'expérimentation sur ce disque se solde par des échecs cinglants, et même si le début d'album est plutôt conforme aux attentes, il demeure sans réel surprise.
Finalement, même si la première partie de l'album contenant les titres plus classiques est ravageuse et énergique, je ne pense pas y retourner souvent, surtout que la seconde partie de The Insolent est parfois carrément médiocre, avec ce sentiment bizarre que les six premiers titres ne vont pas du tout avec les quatre derniers, que le tempo se ralentisse n'est pas un problème en soi, mais le manque d'intensité qui l'accompagne est une véritable faute.
The Insolent un album irrémédiablement moyen, et une véritable déception de la part d'Antigama, les polonais nous ayant habitués à bien mieux par le passé.