dimanche 15 mars 2015

[Chronique] Galar - De Gjenlevende

Je vous le disais lors d'une chronique récente, dans le Folk, y'a du bon et du mauvais, et malheureusement, c'est toujours le mauvais qui gagne aux yeux du grand public, c'est ainsi que pendant que le vil peuple beauf se tripote la nouille sur le dernier Ensiferum, en osant encore appeler ça du Black/Folk (LOL!), les norvégiens de Galar sortent leur nouvel album dans une indifférence presque honteuse au vu de la qualité de leur musique.
Je vous l'accorde, Galar n'est pas le plus connu des groupes de Black/Folk, et leur rythme de travail n'aide pas non plus, le groupe ayant cette fâcheuse tendance à disparaître de la circulation pendant de longues années entre ses albums, quatre années séparaient Skogskvad de Til alle heimsens endar, et il aura fallu attendre cinq longues années pour que ce troisième effort ne pointe le bout de son nez, mais j'imagine qu'il fallait bien ça pour que norvégiens nous pondent avec De Gjenlevende leur meilleur album à ce jour, le plus ambitieux et surement le plus massif de leur discographie...

Du changement il y en a eu en cinq ans, certes, Fornjot et Slagmark sont toujours les maîtres à bord, mais un nouveau batteur a fait son apparition, un certain Tomas (notons qu'il ne joue sur cet album puisque c'est encore le batteur de session Phobos qui officie ici), qui est également à l'occasion batteur en live chez Vreid, tiens tiens, Vreid, on pense à Windir, ce qui n'est pas innocent tant Galar se retrouve souvent comparé à l'héritage du groupe du regretté Valfar, sauf que comparer Galar à Windir est un raccourci bien trop facile et réducteur.
La filiation existe, bien sûr, mais le Black mélodique épique de Galar va un peu plus que ça, car plus que Windir, il faut davantage chercher du côté des premiers méfaits de Borknagar ou de Vintersorg si l'on veut cerner ce qu'est véritablement la musique de Galar, mais on va arrêter le name-dropping à la con et je vais plutôt vous parler de l'album, ce sera plus intéressant.
Bref, je vous parlais de changements et d'album plus ambitieux, car De Gjenlevende comporte des morceaux bien plus longs que ses deux prédécesseurs, l'album dure cinquante minutes, pour seulement cinq titres, plus une petite interlude instrumentale, ce qui change radicalement du format plus classique utilisé par le groupe jusqu'à maintenant, Galar a décidé de composer ici de très longues pièces épiques et emphatiques, et cela provoque pas mal de changements dans la musique du groupe, notamment l'usage plus prononcé du chant clair, ainsi que davantage d'orchestrations et d'arrangements d'obédience Folk viking, et c'est sur ce dernier point que Galar va démontrer tout son talent pour véritablement incorporer à sa musique tout ses éléments Folk, avec une redoutable cohésion, sans renier quoi que ce soit à la violence de base du propos, chaque composition va être portée par un souffle épique, où la violence glaciale se mêle à la beauté des paysages nordiques, faisant de De Gjenlevende (Le survivant en norvégien, puisque vous imaginez bien que ce n'est pas le genre de la maison de chanter en anglais) un album à la fois violent et contemplatif.

Dès le premier titre éponyme, on sera vite emporté par le charme épique et l'art de la composition de Galar, pendant les deux première, on va assister à un longue construction acoustique et mélodique, qui aboutira à un passage Black bien speedé et heavy, à la fois brutal et mélodique, dominé par le chant criard qui se retrouve doublé par un chant clair viking qui prendra vite le relais avant de laisser place à une alternance entre les deux types de chant, jusqu'à un long break central mélodramatique orchestré avec des cordes somptueuses, où la rythmique maintiendra une certaine tension amenant la partie final du morceau qui reprend sur un motif guerrier et mélodique, d'emblée, c'est du très haut niveau de la part des norvégiens, et la tension ne diminuera pas vraiment par la suite.
Natt … og taust et forglemt liv débute de manière très Heavy et Blackisée où le chant clair à la Borknagar apporte un contrepoint intéressant, l'ambivalence entre les deux types de chant fonctionne toujours à plein, et c'est cette fois-ci un piano mystérieux qui viendra offrir au morceau sa dimension atmosphérique, le titre est envoyé avec puissance et conviction, c'est très direct, même si la qualité des orchestrations, et surtout un long passage mélodique mélancolique au deux-tiers, viendront apporter une supplément d'âme et de souffle épique.
Bien sûr, les morceaux sont très longs, mais malgré la répétition des riffs, Galar parvient à maintenir ses longues chevauchées intéressantes en variant énormément les plans de batterie, en alternant les types de chant de fort belle manière, ou en incorporant de très nombreuses orchestrations à base de cordes ou de piano, utilisant également du basson, ce qui n'est pas l'instrument le plus commun dans ce genre de production, mais cela fait malgré tout son petit effet, notamment sur la première partie diaboliquement épique de Bøkens hymne, avec un riff principal qui reprend métalliquement le thème de l'intro à base de cordes, et une incursion de cuivres assez étranges, ou sur l'interlude instrumentale Ljós, où se mêlent habilement le basson et le piano, une petite pause appréciable avant la reprise des hostilités avec un Gjeternes tunge steg de facture assez classique, notamment une première moitié guerrière et pas si éloignée que ça d'un Enslaved, avant un passage de plein pied dans le symphonique qui offre au morceau une plus-value émotionnelle certaine, il sera également question d'arrangements symphonique sur l'ultime morceau Tusen kall til solsang ny, qui bien que contenant des accélérations violentes et acérées, oeuvre dans un mid-tempo plus mélodique et contemplatif, où les rôles ont tendances à s'inverser vocalement, avec un chant Black qui se retrouve sur des passages très mélodiques, et un chant clair qui intervient pour nuancer le propos, une fin d'album plutôt épique et lorgnant sur l'atmosphérique et le néo-classique.
La production de l'album est vraiment excellente, un DR8, pas trop compressé donc, qui permet au groupe de proposer une musique très aérer, et qui permet surtout à Galar de véritablement intégrer ses très nombreuses orchestrations sons que cela sonne comme de la bouillie sonore, les guitares ont un grain à l'ancienne, agressif et accrocheur, la basse est un poil absente malgré tout, mais le batteur compense avec une diversité de plans plus qu'appréciable, De Gjenlevende est un album dense mais dont on ressent tous les détails et les multiples arrangements Folk, le disque est également sublimé par les prestations vocales de Fornjot pour le merveilleux chant clair qui illumine les compositions de sa classe, et un Slagmark dont le chant Black est particulièrement intense, les deux chants se complètent, et en viennent souvent à se mêler, ce qui renforce le côté épique d'un album en tout point remarquable de la part des norvégiens.

Galar a quand même fait très fort avec son troisième album, qui marque une réelle évolution dans leur Black/Folk, De Gjenlevende est de loin leur oeuvre la plus ambitieuse et la plus aboutie, la plus intense aussi, où se mêle constamment la violence froide d'un Black mélodique glacial et un certain sens de la dramaturgie, avec de somptueuses orchestrations, pleinement intégrées afin de donner à la musique un véritable souffle épique.
De Gjenlevende est très dense, mais toujours lisible, Glar manie habilement les contrastes de sa musique, et la qualité du songwritting place le groupe largement au dessus de tous les imitateurs de Windir, notamment avec des compositions très riches aux multiples textures, qui font de De Gjenlevende un album un poil plus complexe que ses prédécesseurs, quoi qu'il en soit, De Gjenlevende est un excellent disque de Black/Folk mélodique et épique, à la fois guerrier et contemplatif, et Galar s'impose peu à peu en maître du genre.

Track Listing:
1. De gjenlevende  09:07
2. Natt … og taust et forglemt liv  07:20
3. Bøkens hymne  09:30
4. Ljós  03:33
5. Gjeternes tunge steg  09:41
6. Tusen kall til solsang ny 10:17