mercredi 31 décembre 2014

[Chronique] Dimesland - Psychogenic Atrophy

Il y a peu d'albums qui sortent en décembre, pour une raison bien simple, tout le monde s'en bat les couilles.
Tout le monde s'étripe sur les listes de fins d'années, les médias métalliques tournent au ralenti, et les gens, repus après une année surchargée en sorties, pensent déjà aux albums de 2015, bref, le mois de décembre, c'est le désert.
Pourtant, on trouve parfois quelques téméraires pour sortir un album en décembre, c'est le cas cette année de Dimesland, bien décidé à profiter de cette opportunité pour sortir leur premier album dans l'indifférence la plus totale, chose incompréhensible que d'envoyer un tel album au casse-pipe à cette période de l'année, et je ne pouvais décemment pas terminer cette année 2014 sans vous parler de ce Psychogenic Atrophy, pour une raison bien simple, Dimesland vient de nous sortir le premier album le plus intéressant de l'année, rien que ça, à une période où tout le monde s'en tape...

Dimesland avait déjà un peu parlé de lui en 2012 avec son premier EP Creepmoon, et on sentait bien qu'il se passait quelque chose du côté d'Oakland, un EP plutôt bien reçu et intéressant, et puis plus rien, tout du moins à la lueur du jour, car en coulisses, ça s'agitait pas mal, car le processus de création de ce premier a duré très longtemps, de fin 2012 à toute l'année 2013, il faut dire aussi que le groupe a financé tout ça lui même, enregistrant l'album petit à petit en fonction de l'argent disponible, pas de blé, et surtout pas de maison de disque pour sortir le bouzin, l'album était terminé début 2014 et il ne sort que maintenant, une véritable honte qu'aucun label ne ce soit intéressé à Dimesland dans un monde où n'importe quel groupe de Metalcore trouve facilement un deal pour sortir ses merdes, mais c'est ainsi, malheureusement.
Derrière une pochette bizarre et pas du tout Metal (soyons sérieux, on dirait un truc d'un groupe de pop/rock indie), se cache ce que le groupe appelle de l'Abstract Metal, ce qui ne vous dit surement rien, et avec cette étiquette on est pas plus avancé, il faudra écouter l'album pour tenter de deviner ce que c'est... et l'on ne sera pas plus avancé non plus tant décrire le style pratiqué par le quatuor californien semble s'affranchir des étiquettes.
En gros et en simplifiant, Dimesland pratique un Metal étrange et progressif entre Atheist et Voivod, où l'on retrouve pas mal de sonorités de Gorguts, et globalement de toute la scène Tech-geek jazzy nord-américaine, tout ça mélangé à du Techno-Thrash progressif, autrement dit, oubliez les constructions basiques et les structures linéaires, Dimesland pratique un Metal plutôt barré dans une autre galaxie, qui les rapproche quelque peu d'un Orbweaver sans le délire SF.
Ultra technique bien entendu, mais sans en faire trop, le quatuor met sa technique au service de morceaux incroyablement sinueux, obscur et aux concepts abscons, afin de proposer une musique tout ce qu'il y a de plus imprévisible, ce qui pourrait être un gigantesque bordel va se révéler au final plutôt bien construit, Dimesland faisant preuve d'une étonnante maturité pour un premier album, ce qui n'est pas forcément surprenant dans la mesure où les gaillards ont mis plus d'un an à enregistrer l'album, ils ont eu tout loisir de travailler à fond leurs compositions.
Le premier morceau Are They Cannibals? est surement le plus accessible, le riffing est frénétique menaçant, le morceau part dans tous les sens, traversé de nombreuses secousses et changements de direction, et il ne faudra pas s'attendre à pouvoir s'accrocher au lyrics, le chant étant réduit à sa portion congrue sur quasiment tout l'album, Dimesland laisse constamment la place aux instruments et le chant n’apparaît que pour souligner certains passages, heureusement il se passe tellement de choses dans leur musique qu'on ne ressent pas du tout le manque de chant.
De ce fait, Psychogenic Atrophy a une ambiance toute particulière, chaotique, menaçante, avec de longues plages instrumentales, voir même atmosphérique comme cette minute noisy et étrange concluant un Institutional Gears servant de morceau de transition ouvrant sur le gros pavé que constitue Xenolith, quasiment neuf minutes où, plutôt malins, les gars de Dimesland ne vont pas nous écraser sous une tonne d'informations à la seconde, c'est tout le contraire, Xenolith est une redoutable morceau de Tech-Thrash progressif en forme de cauchemar schizophrène, la structure est plutôt simple, les saccades sont entrecoupées de parties atmosphériques, et l'on progresse lentement en suivant le courant sans savoir de quoi sera constituée la suite tant le groupe ne donne jamais d'indices, semblant toujours aussi déterminés à brouiller les cartes, comme par exemple le passage central atmo-chaotique de Malfunctioning Gears.
Vous vous doutez bien que tout cela est particulièrement dissonant, c'est le cas, les harmonies malsaines et les leads complètements folles se chevauchent constamment avec une redoutable fluidité, fluidité permettant à Dimesland de proposer des morceaux certes chaotiques, mais avant tout cohérent, car on ne se perd jamais véritablement dans ce dédale de riffs, Dimesland maîtrise le format court, dense et aux abrupts changements de direction, mais se montre aussi à l'aise lors de morceaux plus longs, Xenolith bien sûr, mais aussi l'ultime Odd Feats Are Bid and Won où les américains construisent progressivement un titre à la fois rêveur et menaçant où il faudra attendre les ultimes mesures pour qu'une voix rageuses ne nous rappelle à la réalité.

Psychogenic Atrophy est la dernière gemme que 2014 avait à nous offrir, une ultime étoile dans le ciel de décembre qui mettra à mal votre santé mentale tant Dimesland propose une musique dense et schizophrène.
Dissonant, expérimental et imprévisible, Dimesland propose un bon exemple de construction de structures chaotiques mêlées à leur propre déconstruction dans la seconde suivante, sans que jamais cela ne semble complètement illogique, Dimesland demeure assez lisible tout au long de cette quarantaine de minutes de chaos finement organisé, et Psychogenic Atrophy est surement le premier album le plus passionnant et intéressant de l'année, rien de moins, espérons qu'un label s’intéresse enfin à ce groupe, tout du moins pour une éventuelle sortie physique, l'album n'étant actuellement disponible que sur Bandcamp.
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