lundi 7 avril 2014

[Chronique] Ageless Oblivion - Penthos

Cela faisait bien longtemps qu'on avait pas eu de nouvelles des anglais d'Ageless Oblivion, un groupe qui m'avait fait très forte impression avec leur premier album Temples of Transcendent Evolution, surement l'un des premiers albums qui m'avait le plus botter le cul ces dernières années dans le Death Metal, il faut dire que ce Death technique à tendance schizophrénique avait quelques relents d'Akercocke pas désagréables du tout, et comme je voue un véritable culte au groupe de Mendonca, nous étions faits pour nous entendre.
Quatre années séparent donc ce premier brûlot de Penthos, sorti courant mars chez Siege of Amida, quatre ans, c'est long, très long même, surtout quand on attend autant d'un groupe qui, même si apparu récemment, doit déjà relever le challenge de donner un successeur à un disque aussi marquant, le groupe se doit de frapper fort, une nouvelle fois, afin de ne pas décevoir, et il faut croire que ces quatre années ont été mises à profit pour nous concocter une gigantesque frappe tactique qui va s'abattre dans vos conduits auditifs avec violence et fureur, mais pas seulement, car Penthos, bien que dans la continuité de Temples of Transcendent Evolution, va encore plus loin que ce dernier, avec un Death Metal plus porté sur les mélodies et les atmosphères, rendant la musique des anglais encore plus vicieuse que par le passé...

Penthos est donc l'histoire d'une évolution, voir même plutôt d'une transition, Ageless Oblivion conserve ses acquis, mais a décider de donner à son Death Metal des contours plus abstraits, en s'engageant sur le chemin du Post-Death, genre plutôt casse-gueule à définir, où règne en maître absolu le mastodonte Ulcerate, mais tout n'est pas si simple, n'allez pas croire que les anglais soient devenus une sorte d'Ulcerate bis, loin de là, leur Death se fait plus atmosphérique, plus Sludge aussi, mais là où Ulcerate a depuis longtemps muté vers autre chose au point qu'il en devient même compliqué de continuer de la cataloguer dans le Death Metal, Ageless Oblivion reste fermement ancré dans le genre, des racines solides qui lui permettent de faire le lien entre le Death technique violent et le post-Hardcore apocalyptique sans se perdre réellement dans les sonorités trop brumeuses et impalpables, une évolution que l'on entrevoyait déjà avec le gigantesque pavé de plus de treize minutes qui clôturait l'album précédent, d'ailleurs en parlant de pavé, il va falloir se le taper ce Penthos, vu que le bestiau pèse quand même soixante-six minutes, avec des titres bien plus longs, heureusement, ils ne se sont pas contentés de rallonger bêtement la sauce en délayant à l’extrême, car mieux encore, la tambouille des anglais est surement bien plus consistante désormais.
Pourtant, malgré cette dimension atmosphérique supplémentaire, Ageless Oblivion va montrer ses muscles d'emblée avec la torgnole Wolf's Head, déferlante de Death technique et ultra-brutal teinté de sonorités blackisées, le titre serpente entre ses cassures rythmiques, avec un groove énorme et une tension constante, pas de pitié, aucune véritable pause, mais on sent malgré tout que quelque chose a changé chez les anglais, et cette impression va se confirmer dès le titre suivant, The Midas Throat, car après une première partie violente, Ageless Oblivion va s'engager dans une longue chevauchée qui va nous faire ressentir toute la détresse du monde, un surcroît d'émotion et de mélodie, avec un chant diablement versatile, certaines tonalités évoquent Joe Duplantier, et même un chant clair hurlé dans le fond qui confère au morceau une réelle profondeur de chant, la basse omniprésente est également mise à contribution, et l'ensemble déborde d'un groove en apesanteur qui pulvérise la stratosphère, une sorte de Post-Metal groovy que l'on retrouvera d'ailleurs dans la seconde partie d'un Glacial Blood en forme d'agression dissonante, avec des rythmes et un chant proche d'un Gojira, juste ce qu'il faut pour amener un premier gros pavé de plus de douze minutes avec un Where Wasps Now Nest, véritable pierre angulaire de l'album, longue charge atmosphérique, dissonante, à l'extrême mélancolie, un mélange de colère et de tristesse, avec un judicieux et surprenant chant féminin, écrasant et menaçant, avec ses nuages de tremolo pickings quand explose toute la rage du groupe, le genre de titres dont on ne sort pas indemne et qui vous définissent un album, Submergence continuera dans la même mouvance atmosphérique Sludge, une longue interlude, amenant un Furnace, qui avancera masqué avec une courte introduction toute en ambiances dissonantes, avant une explosion de Death technique serpentant, incroyablement lourd, qui ménage ses effets et ses accélérations pour un impact maximal, et on ne va pas manquer de force brute avec les deux titres suivants, de facture un peu plus classique, un Those Who Fed of Light écrasant et destructeur qui va prendre un virage intéressant vers une seconde partie plus ambiante, un véritable déferlement qui comporte malgré tout une puissante dimension émotionnelle, ce qui n'est pas vraiment le cas de A Crawling Ingression, à la brutalité pas franchement subtile, en mode bête furieuse qui dévaste tout sur son passage, un peu le contraire du climax final, deux titres qui se répondent dans une ambiance apocalyptique, car avec les deux mouvements de Penthos, Lament et Omnipresent, Ageless Oblivion va bâtir deux monuments colossaux, où les anglais vont nous emmener dans un univers constamment menaçant, à la tension palpable, et va nous faire ressentir toute sa rage mélancolique et dissonante, Lament étant secoué de spasmes de violence alors qu'Omnipresent montrera une facette plus post-Metal, presque apaisée, ces deux volets de Penthos viennent conclure admirablement un album profondément marquant de la courte histoire du combo anglais.

Bizarrement, l'orientation post-Death de Penthos rapproche moins Ageless Oblivion d'Ulcerate que de Gojira, la dimension atmosphérique supplémentaire dans le son du groupe me donne souvent l'impression d'écouter un Gojira qui n'aurait pas oublié son Death Metal en route, Ageless Oblivion étant toujours fermement enraciné dans le Death, mais utilise ses acquis pour explorer de nouveaux territoires, le résultat peut-être comparé vaguement à un Morbid Angel qui aurait copulé avec Cult of Luna.
Le résultat? un Penthos en forme d'oeuvre colossale du Death Metal moderne, incroyablement heavy, brutal, technique, le tout chargé d'une puissante charge émotionnelle et atmosphérique, Penthos est dissonant, serpentant, mais demeure malgré tout dynamique et très efficace quand il s'agit d'envoyer des mandales dans la gueule, ce qu'il fait admirablement bien entre ses digressions atmosphériques, Ageless Oblivion maîtrise son dosage, demeure parfaitement à l'équilibre, la marque des grands, assurément, et Penthos est de ces expériences dont on ne ressort pas indemne...

Brillant
Track Listing:
1. Wolf’s Head
2. The Midas Throat
3. Glacial Blood
4. Where Wasps Now Nest
5. Submergence
6. Furnace 
7. Those Who Fed of Light
8. A Crawling Ingression
9. Penthos: Lament
10. Penthos: Omnipresent