vendredi 21 février 2014

[Chronique] Artificial Brain - Labyrinth Constellation

Pour son premier album, les américains d'Artificial Brain semblent avoir mis toutes les chances de leurs côtés afin de se faire remarquer, une signature chez les excellents Profound Lore, une pochette une fois de plus géniale de Paolo Girardi, et le très occupé Colin Marston (Behold the Arctopus, Dysrhythmia, Krallice, Gorguts) à la production du bouzin, difficile de faire mieux pour ce jeune groupe de New York aux membres inconnus, en dehors du guitariste Dan Gargiulo, qui officie également chez Revocation.
Bref, Artificial Brain, fait du Tech-Death, mais pas seulement, car les américains se situent du côté abstrait du Death technique, chaotique, apocalyptique, dissonant, dans un genre qui se rapprocherait surement de Gorguts ou du Post-Death d'un Ulcerate, le tout saupoudrée d'une délicieuse pincée de Science-fiction à la Nocturnus dans les thèmes et les atmosphères, et Labyrinth Constellation est un redoutable trip dans l'espace, même si tout ceci n'est pas dénué de quelques défauts...

Le Tech Death d'Artificial Brain suit donc cette passionnante mouvance actuelle de groupes qui se détachent de la recherche de l’efficacité à tout prix et de la brutalité supersonique en osant s'aventurer sur les sentiers escarpés du Post-Death Metal, offrant une dimension métaphysique et quasi-spirituelle à sa musique, et cultivant l'art du mouvement, qui parvient à conjuguer de très nombreuses variations et changements de directions abrupts avec une redoutable fluidité, proposant des morceaux dissonants, qui serpentent dans votre inconscient, un Death Metal dense, multi-texturé, mélange d'agression et de passages plus atmosphériques qui ont pour but de renforcer le concept spatial/SF du groupe, une autre forme d'efficacité et de brutalité, car bien sûr, même en jouant sur les ambiances et les structures en forme de chaos organisé, Artificial Brain demeure fermement un groupe de Death, mêlant brutalité et intensité, avec ses enchevêtrements de riffs, sa batterie très fine qui frappe juste et contribue à insuffler le mouvement à l'ensemble, et bien entendu le chant de Will Smith (aucun rapport...) qui nous délivre une belle imitation d'une bête furieuse détruisant une planète au fin fond de l'univers, pas besoin de préciser que la précision dans l'exécution est juste phénoménale, je pense que vous vous en doutiez déjà.
Artificial Brain évolue dans sa propre dimension, semblant constamment vouloir surprendre l'auditeur en l'emmenant dans ses délires cosmiques, fascinant et intrigant, Labyrinth Constellation l'est assurément, avec des morceaux plutôt courts et concis, mais aux structures impalpables, en mouvement, une brutalité presque éthérée, avec ses spasmes de violences et ses passages atmosphériques, un art de la construction où les ambiances se retrouvent mêlées aux riffs intriqués et misent au service de l'efficacité brute dont le groupe est capable.
Pourtant, Labyrinth constellation à un problème, et malgré tous les mouvements et cassures proposés par le groupe, qui confère à sa musique un certain dynamisme et une force brute bienvenue, les structures se ressemblent un peu trop, notamment les breaks qui reviennent souvent en milieu des morceaux, et l'on a parfois du mal à distinguer les titres entre eux tant ils ont cette fâcheuse tendance à se ressembler un peu trop, on aurait apprécié qu'ils utilisent un peu plus souvent les claviers Sci-fi afin de donner des colorations différentes aux morceaux, comme sait particulièrement bien le faire un Orbweaver par exemple, mais ce n'est pas vraiment le cas ici, à quelques exceptions près malgré tout, Absorbing Black Ignition propose des riffs chargés de groove, tout en mouvement, et l'irruption des orchestrations typés SF n'en est que plus délicieuse, Bastard Planet offre également ce genre d'ambiance, particulièrement bien rendue, qui se mêle très bien à la brutalité de l'ensemble, et de la même manière, le côté stellaire et atmosphérique rend la seconde partie du titre éponyme Labyrinth Constellation planante et intéressante, mais en dehors de ça, l'album donne donc plus le sentiment d'être un gros bloc, très dense, qui peut s'avérer difficile à digérer, ce qui fait que bizarrement, le concept science-fiction du groupe a du mal à se faire ressentir de la musique en dehors des quelques rares éléments orchestraux SF à la Nocturnus et des titres des paroles, surtout que n'ayant pas eu accès au paroles (ouais, ça doit être trop compliqué pour les labels de proposer un livret digital avec le téléchargement légal...), impossible de comprendre quoique ce soit, ce qui est plutôt dommage.
Il faudra attendre les deux derniers titres, les plus longs, avec environ sept minutes à chaque fois, pour que Artificial Brain ne change la donne, car cette fois-ci, le groupe s'offre de grands espaces lui permettant de développer des atmosphères, lugubres et blackisées sur un Hormone's Echo aux forts relents de Black atmosphérique avec un chant qui se met au diapason, et plus orientées SF sur un Moon Funeral à la fois Heavy, dense et étrangement aérien, on se demande bien pourquoi le groupe a attendu la fin de l'album pour proposer ce genre de morceaux où sa musique s'étire dans le cosmos en jouant sur les ambiances avec des changements de rythmes moins abrupts et un sentiment d'urgence un peu moins présent.
Notons quand même au rayon points positifs l'excellente production de Marston, car l'album ne sonne pas du tout de manière digitale, mais ne s'enfonce pas non plus dans un son trop raw et brumeux, le son est ici clair, puissant, avec une basse pleinement audible et vrombissante qui a tout loisir de s'exprimer, ce qui est toujours une bonne chose.

Pour un premier album, Artificial Brain nous délivre un travail particulièrement mature et maîtrisé, avec une technique irréprochable et une exécution précise, l'album est dense, très riche, tout en mouvement et en changements de direction, les riffs intriqués et les leads forment un ensemble très fluide, le groupe joue sur les atmosphères et un concept SF plutôt sympa, tout en conservant une imposante force de frappe, car la brutalité et la violence sont omniprésentes.
On regrettera juste des structures qui se répètent un peu trop, ce qui a tendance à créer une certaine monotonie sur certains titres, c'est dommage de n'avoir pas poussé le concept et les délires science-fiction jusqu'au bout, Artificial Brain ne va pas vraiment au bout des choses et reste un peu trop en surface.
Malgré tout, le potentiel est là, y'a du talent, que ce soit dans la technique redoutable des musiciens ou certaines compositions particulièrement bien foutues et surprenantes, même si tout n'est pas parfait, Labyrinth Constellation mérite que l'on s’intéresse sur son cas, car il se passe suffisant de choses intéressantes pour justifier plusieurs écoutes, à condition d'être versé dans ce genre de Tech-Death abstrait et chaotique...
(C'est écoutable et téléchargeable sur Bandcamp: http://profoundlorerecords.bandcamp.com/album/labyrinth-constellation)

Solide, intriguant, et à fort potentiel
Track Listing:
1. Brain Transplant
2. Absorbing Black Ignition
3. Wired Opposites
4. Worm Harvester
5. Frozen Planets
6. Orbital Gait
7. Bastard Planet
8. Labyrinth Constellation
9. Hormone's Echo
10. Moon Funeral