lundi 13 janvier 2014

[Chronique] Hail Spirit Noir - Oi Magoi

Le fait de ne pas vous avoir chroniqué le premier album des grecs d'Hail Spirit Noir fut l'un des drames de ma vie de chroniqueur en 2012, pour une raison bien simple, Pneuma était l'un des premiers albums les plus impressionnants de ces dernières années, ni plus ni moins.
Surprenant de voir débarquer un premier album aussi mature et maîtrisé? pas tant que ça quand on sait que les trois membres d'Hail spirit Noir font également parti de l'excellent combo de Black Avant-gardiste Transcending Bizarre?, on a donc affaire à de vieux routiers dans le genre Metal étrange, suffisant pour éviter le traditionnel piège du second album?
Car c'est bien gentil de sortir un premier album absolument génial, mais le plus compliqué n'est-il pas de confirmer l'essai, comme nous l'a récemment prouvé l'échec presque total du second album de Ghost?
Recapturer la magie d'un premier album n'est jamais chose aisée, et mettons fin au suspense tout de suite, Hail Spirit Noir évite presque tous les pièges inhérents à l'exercice du fameux second album, mieux encore, il est presque aussi bon, ce qui n'était pas gagné d'avance...

Le problème majeur d'Hail Spirit Noir est qu'il évolue dans un genre très particulier et spécifique, subtil mélange de Black et de Rock progressif psychédélique typé 60's, qui est incroyablement ouvert, mais également très codifié et un peu rigide, l'ensemble repose sur un équilibre fragile, où modifier ne serait-ce qu'un seul élément de la formule se révèle très compliqué, avec une forte probabilité d'échec.
C'est précisément là où Hail Spirit Noir se montre très malin pour son second album, car le coeur de la musique n'a pas été modifié, d'ailleurs, Oi Magoi est très proche de Pneuma au premier abord, et en reprend quasiment tous les éléments, sans pour autant que cela sonne comme une simple copie ou l'application simpliste d'une formule déjà éprouvée, pour simplifier, c'est pareil, mais c'est différent.
Ce sont surtout les contours qui ont été modifiés, Oi Magoi apparaît comme étant bien plus lumineux que Pneuma, plus fluide également, comme si le groupe était plus confiant en ses capacités, plus à l'aise dans sa fusion, ce qui a pour conséquence de déplacer le centre de gravité d'Hail Spirit Noir plus du côté du Rock, malgré tout, et c'est bien le tour de force du groupe, les racines Black ont été astucieusement conservées, et l'ensemble devient un poil plus aérien que ne pouvait l'être Pneuma, plus progressif et plus psychédélique aussi, mais fort heureusement, la musique demeure toujours aussi bizarre et ancrée dans une certaine vision de l'Avant-Garde, que ne renierait pas, par exemple, les norvégiens de Virus, voir même d'In the Woods, sans oublier, dans un genre un peu différent, les finlandais d'Oranssi Pazuzu.
Il n'y a pas de surprise dans les structures des morceaux, après tout, pour quoi changer quelque chose qui marche, mais ce que l'on remarque d'emblée, c'est ce supplément de fluidité dans les transitions qui apporte à chaque titre une plus grand cohérence que par le passé, Hail Spirit Noir donne à ces morceaux une redoutable cohésion, les vocaux sont toujours aussi Raw, typé Black dans l'esprit, avec des lyrics satanicomiques plutôt naïfs et des refrains toujours aussi catchy, un effort à de plus était fourni sur la section rythmique, surtout la basse qui apporte un groove bienvenu et qui fonctionne en parfaite complémentarité avec une batterie que je trouve personnellement manquant d'un peu de pêche, surtout sur les titres plus Black comme Satyriko Orgio ou Hunters, à contrario, ce jeu de batterie délicat et chargé d'une vibe prog fonctionne bien mieux sur les titres les plus calmes.
Oi Magoi est donc un peu plus calme que Pneuma, moins horrifique aussi, ce qui n'est pas forcement une mauvaise chose dans la mesure où ceci est compensé par une meilleur intégration de toutes les instrumentations typé prog psychédéliques vintage, sans pour autant que cela nuise trop à l'efficacité de l'ensemble, les leads sont plus nombreuses, ce qui accroît également l'aspect mélodique de l'album, par contre ce qui n'a pas changé, c'est la bizarrerie de la musique d'Hail Spirit Noir, après tout, on parle d'un Black rock psyché plutôt expérimental largement influencé par la scène Avant-Garde.
On trouve donc plus d'orchestrations et de délicieuses trouvailles sonores, de la flûte, du piano, de l'orgue, quelques cordes discrètes, qui renforcent un peu plus encore le côté aérien de l'album, des sonorités éthérées, mais presque à chaque fois, Hail spirit Noir à la bonne idée de contrebalancer ses aspirations rock avec des charges plus agressives, ou l'inverse, comme c'est le cas sur Blood Guru, qui débute de manière plutôt sombre et agressive, et qui va lentement mais surement évoluer vers des sonorités plus mélodiques, le tout agrémenté de breaks du plus bel effet, notamment ce long passage Drum and Bass au groove démoniaque, qui sert à amener une seconde partie de morceau diablement élégante, sur quasiment l'intégralité de l'album, les riffs ne servent que de bases rassurantes aux diverses expérimentations sonores, un socle qui permet au groupe de se lancer dans l'incorporation d'éléments typés Rock sans que cela ne sonne de manière incohérente, comme les multiples textures et les instrumentations vintage de l'excellent Demon for a Day, sorte de mix bizarrement catchy et guilleret entre le Black sombre et le pur Rock psychédélique, une orientation qui n'est pas sans rappeler celle prise par Oranssi Pazuzu sur son dernier album.
Alors que Satan is Time est une curieuse balade à la gloire du Malin, Satyriko Orgio va se charger de contrebalancer tout ça avec un bon vieux retour aux racines Black du groupe, du tout du moins dans sa première partie, car la suite et la fin du titre sera plus nuancée voir même totalement atmosphérique, le Black est certes moins présent sur cet album, mais il rugira une seconde fois sur un Hunters qui semble être un improbable mélange entre Darkthrone et le Rock progressif, du bon vieux Black n' roll en somme, le tout bien évidemment oppressant à souhait.
The Mermaid est surement le meilleur titre de la galette, c'est aussi le plus long avec plus de onze minutes au compteur, une longue progression où les grecs vont mettre le Black un peu de côté pour mettre l'accent sur le Rock progressif, surtout cette cavalcade bizarre lors des trois dernières minutes, Hail Spirit Noir met ici l'accent sur les expérimentations sonores et les atmosphères, et c'est plutôt réussi, comme sur le titre éponyme final servant de longue outro, répétitive, à l'ambiance particulièrement occulte, tout cela est à l'image de l'album, très diversifié, avec un groupe qui ne semble jamais chercher à surprendre à tout prix, mais qui y parviennent malgré tout avec toutes leurs petites trouvailles et expérimentations.

J'avais des doutes sur la capacité d'Hail Spirit Noir à sortir un disque du même niveau que Pneuma, et je dois bien avouer que j'ai eu tort de ne pas leur faire confiance, car non seulement Oi Magoi est tout aussi bon que le premier album, mais il apporte quelque chose de différent dans la balance, sans pour autant dénaturer le son du groupe.
Oi Magoi joue plus sur les atmosphères et les ambiances, moins Black dans sa forme, il l'est toujours dans l'esprit, car l'album est souvent secoué de délicieux spasmes hérités de l'art noir, Hail Spirit Noir évite le piège de la redite et nous délivre une succulente variation de Pneuma, bien sûr, ce n'est pas pour tout le monde, car même si le son se fait ici un peu plus accessible, la musique des grecs a une dimension expérimentale et Avant-Gardiste particulière qui le confinera à une certaine confidentialité, mais si vous êtes versé dans ce genre de musique, où si simplement vous aimez Oranssi Pazuzu, Hail Spirit Noir est une petite merveille de Black progressif psychédélique, occulte, aérien, malsain, que du bon.
Je n'aurais pas attendu longtemps en 2014 pour avoir mon premier coup de cœur, venez, il est encore temps de sauter dans le train fantôme grec, je ne vous garanti pas que vous allez aimer, mais le voyage en vaut la chandelle...

Champignons hallucinogènes à la grecque
Track Listing:
1. Blood Guru
2. Demon for a Day 
4. Satyriko Orgio (Satyrs’ Orgy)
5. The Mermaid
6. Hunters
7. Oi Magoi