vendredi 11 octobre 2013

[Chronique] Wolfheart - Winterborn

Cela faisait quelques temps qu'on avait plus trop de nouvelles du Stakhanoviste finlandais Tuomas Saukkonen, et c'était bizarre car avec tous ses groupes, le gaillard devait en être à environ un album tous les six mois depuis 2008, sous doute conscient que ce rythme de sortie nuisait quelque peu à la qualité des albums, Saukkonen a surpris un peu tout le monde en fermant tous ses projets en cours, terminé Black Sun Aeon, Dawn of solace et Before the Dawn (ainsi que 2-3 groupes mineurs comme RoutaSielu ou Final Harvest), afin de se consacrer à un seul et unique nouveau projet, Wolfheart.
Ce nouveau groupe annonce-t-il également un changement de style pour le finlandais? pas vraiment, Tuomas Saukkonen continue d’œuvrer dans un genre qu'il affectionne depuis le début, le Death Mélodique à tendance Doom, un style somme toute typiquement finlandais et dans lequel il excelle, Winterborn est un peu comme un mélange de Before the Dawn et de Black Sun Aeon, avec un réel niveau d'exigence et de qualité, mais malheureusement un peu trop classique et évident...

Seul contre tous, Wolfheart est définitivement un pur projet solo de la part de Tuomas Saukkonen, faut dire aussi qu'avec le nombre effroyable de musiciens utilisés dans ses anciens groupes, le bonhomme ne doit pas être facile à vivre, donc voilà, le finlandais s'occupe du chant, de tous les instruments, de la production, et même de la vente, car cette fois-ci, pas de label derrière, Saukkonen s'occupe de tout en indépendant, seul petite exception, c'est Mika Lammassaari d'Eternal Tears of Sorrow et de Mors Subita qui s'occupera des leads de Winterborn, avec pas mal de réussite d'ailleurs, dans un style qui colle parfaitement au genre, une toute petit collaboration sur la moitié des titres, parce que merde quoi! Saukkonen fait tout, tout seul, c'est pas cette fois-ci qu'il va s'emmerder avec des sous-fifres et des intérimaires à gérer.
Musicalement, si vous êtes un familier de la discographie de Saukkonen ou tout simplement de la scène Death/Doom mélodique finlandaise, pas de surprise avec Wolfheart, vous savez où vous mettez les pieds, et Winterborn propose une sorte de mélange entre Before the Dawn et Black sun Aeon, deux projets différents mais qui avaient tendance à malgré tout se rapprocher au fil du temps, seul le côté Doom beaucoup plus appuyé chez Black Sun Aeon permettait de le différencier d'un Before the Dawn plus abrasif et typé Death mélodique classique.
Je parlais en introduction de classicisme pour Wolfheart, pour une raison bien simple, Winterborn sonne globalement comme une suite de Routa, second album de Black Sun Aeon, d'ailleurs si Winterborn avait été un album de ce dernier intitulé Routa Part 2, on y aurait vu que du feu, l’appellation est donc différente, mais le contenu est du même tonneau.
On pourrait aussi voir Wolfheart comme un Dawn of Solace sans chant clair, c'est aussi valable, et voici un autre détail qui m'ennuie un peu sur Winterborn, c'est l'absence totale de chant clair au profit du Growl profond et caverneux de Saukkonen, j'avoue que ce qui faisait le charme de Black Sun Aeon était l'alliance entre le growl, un chant clair masculin et une délicieuse voix féminine, qui formait une dynamique assez unique, permettant au groupe de varier énormément les émotions et les atmosphères, cette absence de diversité dans le chant était déjà un problème sur le dernier Before the Dawn, (même si c'est moins gênant pour un groupe plus rentre-dedans) c'est à nouveau le cas ici, bien sûr, Saukkonen se démène comme un beau diable avec son growl, dont certains hurlements savent se faire poignants quand le besoin s'en fait sentir, mais il manque constamment ce petit truc qui permettrait de donner une dimension supplémentaire aux compositions, et l'utilisation de différents types de chant permettrait de rendre véritablement justice à la grandeur et la beauté glaciale de Winterborn.
Car en dehors de ce léger soucis vocal, Winterborn est un excellent album de Death/Doom atmosphérique et mélodique, avec cet aspect mélancolique typiquement finlandais, écouter Winterborn, c'est comme se retrouver marchant dans une forêt enneigé, seul et abandonné dans une obscurité glaciale, un album de paysages majestueux qui ont la beauté du diable, un art que Saukkonen maîtrise admirablement bien, vu que cela fait dix ans qu'il le perfectionne.
On a donc affaire à un excellent disque, très bien produit, massif, abrasif et en même temps atmosphérique, tout ce que vous allez entendre sur Winterborn, vous l'avez déjà entendu avant, c'est du classique Saukkonen dans le texte, The Hunt aurait pu tout à fait ouvrir un album de Before the Dawn, un Death Metal délicieusement mélodique et triste, plutôt direct, mais pas aussi catchy qu'un Strenght and Valour qui tabasse pas mal mais qui dispose d'un refrain growlé ultra accrocheur, on retrouve même une petite vibe à la Insomnium sur Whiteout ou un Gale of Winter qui mélange brutalité et émotion par de discrètes orchestrations à base de cordes et de piano, et de la brutalité il y en aura encore davantage avec un Ghosts of Karelia monstrueux de violence où le riffing flirte souvent avec le Black, les mélodies sont réduites au minimum sur le refrain, le growl est d'une profondeur inouïe et on a même droit à des blasts.
Fort heureusement, la variété est à l'honneur, et Wolfheart s'offre de longues incartades mélodico-atmosphériques, notamment sur le bien nommé Routa pt.2, qui semble bien évidemment tout droit sorti de chez Black Sun Aeon, longue introduction au violon, un bon petit break où l'on retrouve le violon en soutien des guitares acoustiques, un véritable bijou de Death/Doom atmosphérique avec ce qu'il faut d'orchestrations, manque juste un peu de chant clair... mais c'est con, y'en a pas, et c'est bien dommage, car on est passé pas loin d'un putain de bon de titre qui déchire, faudra juste se contenter d'un titre très bon, la fin de l'album est d'ailleurs un poil plus atmosphérique et proche du Doom, Chasm et Breath débutent toutes les deux par des introductions instrumentales qui leurs confère d'emblée une coloration plus dark, avec l'inclusions de parties plus symphoniques, Breathe se rapproche d'ailleurs des ambiances développées par un Ghost Brigade, on regrettera juste sur ces chansons un certain manque d'accroche, encore une fois, ça aurait pu être tellement bien avec un peu de chant clair sur le refrain...

Ce qui est étrange avec cet album, c'est que j'ai comme le sentiment que la moitié des albums proviennent de Before the Dawn, et que l'autre moitié semble avoir été composé pour un album de Black Sun Aeon, dans une optique plus doom et mélancolique, Saukkonen aurait réuni tout ça dans un même album sous un nouveau nom, Winterborn est une sorte de panachage de chansons de BTD et de BSA sans que les deux groupes ne fusionnent véritablement en une nouvelle entité, ce qui est également regrettable, c'est la disparition du chant clair, qui aurait pu donner une dimension supplémentaire à des compositions certes excellentes dans le style, mais qui manquent peut-être d'un soupçon de grandeur.
Malgré cela, ne vous méprenez pas, Winterborn est un excellent disque de Death mélodique à tendance Doom, mais il n'est "que" ça, j'aurai aimé que Tuomas Saukkonen se mette en danger avec Wolfheart et nous propose une tambouille différente que ce qu'il à l'habitude de proposer, ce qui n'est pas vraiment le cas ici.
Reste quand même un excellent petit disque conforme aux standards habituels des productions Saukkonen, avec cette violence froide et belle, atmosphérique et mélodique, et rien de plus, ce qui est, malgré tout, déjà pas mal et largement au dessus de la mêlée, la bande son idéale pour une longue balade solitaire en forêt un jour de pluie...

Surement trop seul...
Track Listing:
1. The Hunt
2. Strenght and Valour
3. Routa pt.2
4. Gale Of Winter
5. Whiteout
6. Ghosts of Karelia
7. I
8. Chasm
9. Breathe