mercredi 18 septembre 2013

[Chronique] Ulcerate - Vermis

En 2011, Ulcerate avait fracassé l'univers avec The Destroyers of All, qui avait d'ailleurs chipé le titre d'album de l'année à Septic Flesh sur ce blog, un disque phénoménal et plutôt novateur dans le microcosme du Tech-Death, qui avait clairement divisé le public quant à son orientation plus atmosphérique, qui avait valu aux néo-zélandais d'être comparé à une sorte de Deathspell Omega du Death Metal.
Bref, les puristes du Death Metal qui avaient adoré Of Fracture of Failure et Everything is Fire ont eu vite fait de fracasser le groupe et de crier à la trahison, comme à chaque fois qu'un groupe évolue, tant pis pour eux, et ce n'est surement pas Vermis qui va les faire changer d'avis, car une fois de plus, c'est de Post-Death à base de Tech et de sludge dont il est question, et je vais vous le dire clairement, c'est encore mieux que The Destroyers of All...

Ça y est, le gros mot est lâché, le truc qui fait peur... Post-Death, car Ulcerate n'est pas vraiment votre groupe de Technical Death habituel, même si bien sûr les kiwis ont pour influence majeure Gorguts, ils partagent également une grande passion pour Neurosis, peut-on encore parler de Death Metal quand un groupe se veut aussi atmosphérique? La question se posait peut-être avec l'album précédent, avec Vermis, la réponse est claire, oui, Ulcerate est toujours profondément ancré dans le Death Metal, car Vermis marque un retour à une certaine énergie typiquement Death qu'on avait plus vu chez le groupe depuis Everything is Fire, même si bien entendu, Ulcerate ne revient pas vraiment à la source, il prend le meilleur de son passé pour nous délivrer un disque somme, immense et terriblement difficile d'accès.
Ulcerate se fait plus brutal, mais paradoxalement plus atmosphérique encore, avec de nombreux ajustements, comme cette production un peu plus crade, moins lisible, et surtout une batterie moins mise en avant, presque en retrait, le batteur et tête pensante du combo, Jamie Saint Merat, sert ici de fil conducteur, de base au son Ulcerate, organisant le chaos ambiant, mais n'allez pas croire cependant que Saint Merat s'est calmé pour autant, sa prestation est absolument incroyable ici, comme à l'accoutumée, mais cette fois-ci il serait trop réducteur de résumer Vermis aux capacités de son batteur, qui se met totalement au service du groupe, laissant une place plus prépondérante aux riffs qu'il suit de la manière la plus chaotique possible, presque en décalage, afin de mieux renforcer l'aspect déstructuré de son Ulcerate.
C'est surtout de riffs dont il est question ici, car Ulcerate ne flirte plus avec la dissonance, il l'épouse totalement, une emphase sur le chaos reposant également sur une basse en forme de mur sonore infranchissable, une dissonance qui crée un son venimeux, aux mélodies perverses, fascinantes et déstructurées, de véritables coups de poignards dans le dos qui sortent de ce blizzard sonore ténébreux, un enchevêtrement de riffs à la précision diabolique, et qui bizarrement sonnent de manière un peu Black, un peu comme peuvent le faire les blackeux avant-gardistes norvégiens de Virus, mais fort heureusement éloigné du Tech Drone abscons d'un Portal, une utilisation des riffs également différente de ce que propose Gorguts, plus atmosphérique, à la limite du Sludge et du Post-hardcore, ce qui fait que jamais Ulcerate n'avait sonné aussi dense, et paradoxalement structuré dans son propos, car malgré le chaos, c'est une destruction méthodique de l'univers que nous propose Ulcerate, par le biais de compositions dynamiques et mouvantes qui évitent toute forme de linéarité.
Vermis est un album de paysage, introspectif, presque spirituel, une réflexion sur la fin de l'humanité, presque encore plus sombre et sinistre que ne pouvait l'être Destroyers of All, Vermis a un flot tout à fait particulier, comme une coulée de lave, massive, un magma qui progressivement, inexorablement, va recouvrir tout ce qui se trouve sur son chemin, un album qui se fait plus brutal et presque progressif dans son approche destructrice, avec des mélodies qui se font moins évidentes aussi, ce qui rend l'album un peu plus difficile d'accès, les mélodies sont bien présentes, mais il vous faudra vous frayer un chemin dans ce labyrinthe de riffs menaçant pour y accéder.
Plus que de la force brute et des compositions sinueuses, Ulcerate prend son temps pour installer ses ambiances, le titre éponyme est une immense charge dans la gueule, un bloc de plusieurs mégatonnes qui vous tombe dessus, la destruction avant un final atmosphérique de toute beauté, Weight of Emptiness est une excellent condensé de tout ce que propose Ulcerate, se premettant trois minutes d'une introduction atmosphérique, pour un titre lourd, heavy, plutôt lent, qui monte souvent en pression pour apporter de petites doses de brutalité, à la frontière de l'irréel, cauchemardesque, une mélancolique presque palpable où l'on note une nette influence Doom atmosphérique, citons encore le début tout en apesanteur d'un The Imperious Weak et de sa basse monumentale.
Atmosphérique, bien sûr, mais aussi et surtout ultra brutal et abrasif, les accès de rage de The imperious Weak, encore, mais également un Clutching Revulsion serpentant et d'une brutalité sans commune mesure, violent, avec de très nombreuses cassures, de la dissonances, incluant également un long break en forme de calme entre deux ouragans, il sera également question de Death Sludge avec le déferlement intense de Cessation, et d'un petit clin d’œil à l'album précédent avec Confronting Entropy, peut-être le titre le plus "classique" de l'album, fondamentalement direct, plus haché aussi, avec le sens mélodique tout à fait particulier du groupe qui se retrouve exacerbé.
Ce parti pris de mettre la batterie en retrait a un autre avantage que de redonner toute leur place aux guitares, le chant se retrouve quasiment en première ligne, monolithique, caverneux, comme la complainte d'un monde qui s'écroule, profond, emphatique, sortant des entrailles de la terre, transperçant le blizzard de riffs pour hurler tout son dégoût du monde.
Avec Vermis, c'est un peu comme si Ulcerate ne se retenait plus et se lâchait totalement, délaissant sa brutalité froide et quasiment clinique pour emmener son Death Metal dans une autre dimension, plus menaçante, où les structures seraient moins palpables, évoluer, conserver toute sa violence en y incorporant franchement toutes ses influences et son penchant naturel pour le Doom et les atmosphères mélancoliques, même si bien sûr, cela implique que le groupe perde quelque peu de son accessibilité, Vermis est compliqué, difficile avec ses longs titres de sept minutes en moyenne, un challenge qui demande du temps pour s'en imprégner, afin de véritablement en comprendre le sens, avec un sens de la profondeur qui le rend unique en son genre, sans aucun moment tomber dans le piège du noise ou du tech drone illisible d'un Portal par exemple, car Ulcerate organise admirablement son chaos et offre à chaque fois des portes d'accès à sa musique, cela demande juste un peu de temps pour les trouver.

Alors, qui à la plus grosse en fin de compte? Ulcerate ou Gorguts, vaste débat qui m'apparait bien inutile tant les deux groupes sont incomparables dans leur approche du Tech Death, avec chacun leurs points forts et des styles qui tendent à s'opposer de plus en plus.
Malgré tout, je trouve Vermis un poil supérieur, et pour cette fois (cette fois seulement), je vous donne la permission de ne pas être d'accord avec moi, question de sensibilité et de goûts personnels surement, Vermis est d'une beauté et d'une sauvagerie fascinante, profond, malsain, mélancolique, avec cette tristesse et cette rage qui s'entremêle constamment, un disque de paysages presque irréels, impalpables, un chaos où s'entrechoquent des mélodies dissonantes, avec pour toile de fond la batterie de Saint Merat, au jeu toujours aussi spectaculaire, Ulcerate délivre un monument de Death Metal, qu'il soit qualifié de post ou pas, difficile d'accès, certes, mais Ulcerate s'est surpassé et Vermis mérite l'effort consenti, incroyablement riche, parfois planant, souvent menaçant, abrasif dans son approche sonore, un concentré de rage et de mélancolie...

Monstrueusement beau
Track Listing:
1. Odium
2. Vermis
3. Clutching Revulsion
4. Weight of Emptiness
5. Confronting Entropy
6. Fall to Opprobrium
7. The Imperious Weak 
8. Cessation
9. Await Rescission