mardi 6 août 2013

[Chronique] Witherscape - The Inheritance

Je pense que je n'ai pas à vous présenter Dan Swanö, une légende du Metal suédois dont l'influence sur la scène Metal mondiale n'est plus à démontrer, de plus, en vous disant que ce type n'est pas à présenter (si vous ne le connaissez pas, que dieu ait pitié de votre âme...), cela m'évite de rentrer dans les détails de son immense carrière en vous citant tous ses groupes (Et il y en a beaucoup, mais genre vraiment beaucoup hein, sa discographie ferait même passer Christian Älvestam pour une feignasse), participations diverses, et la très très longue liste des albums qu'il a produit, surtout dans les années 90, où le Dan semblait avoir mis la main à la pâte sur absolument tout ce qui sortait de suède (Tiens, allez donc mater la page du gaillard sur Metal archives, ce sera plus simple), d'ailleurs à l'époque, quant t'achetais un album d'un groupe suédois, il y avait de grandes chances pour que le nom de Dan Swanö apparaisse quelque part dans le livret, de toute façon, c'était lui ou l'autre stakhanoviste Peter Tägtgren.
Bref, Dan Swanö est une légende, tout simplement, un innovateur qui faisait du Death progressif bien avant Opeth, avec Edge of Sanity, un touche à tout de génie, multi-instrumentiste, qui avait malgré tout réduit la voilure en ce qui concerne les sorties d'albums depuis quelques temps, mais continuant de produire d'autres artistes à un rythme industriel, bref le gaillard est un poids lourd, et il va de soi qu'un nouveau projet du bonhomme est toujours attendu avec énormément d'impatience par les fans, qui ne seront pas déçu du voyage avec Witherscape...

Plutôt que de bêtement reformer Edge of Sanity, Dan Swanö a choisi de monter un nouveau groupe, mais pas en solo cette fois-ci, car Witherscape est un duo formé avec un certain Ragnar Widerberg, un type totalement inconnu au bataillon qui s'occupe de les guitares et de la basse, Swanö s'occupant de tout le reste, chant, batterie, claviers et production, ajoutons à cela quelques intervenants supplémentaires pour le chant et Paul Kuhr de Novembers Doom qui s'occupe des paroles et du concept qui sert de fil conducteur à ces neufs titres, et roule ma poule, voilà un délicieux album de Death progressif, les deux grandes passions de Dan Swanö.
Définir la musique de Witherscape est chose plutôt aisée, après tout, ça fait plus de 20 ans que le Swanö gravite entre le Death et le Progressif, ce n'est pas encore aujourd'hui qu'il va sortir un disque de reggae ou se mettre du gel dans les cheveux et du maquillage pour faire du Metalcore, le Dan est un peu plus old school et est surtout un type pragmatique en bon producteur qu'il est, qui a surement remarqué qu'Opeth avait trahi la cause avec son Heritage, qui voyait Akerfeldt abandonner le Metal pour se vautrer dans le mauvais prog élitiste, laissant donc une place à prendre sur le trône du Death Prog suédois, et qui de mieux que ce vieux roublard de Swanö pour combler le vide? (notons au passage le petite ressemblance avec le titre du dernier Opeth, une petite quenelle à Akerfeldt?)
Bref, Witherscape, c'est du condensé de la carrière de Dan Swanö, un mélange entre Edge of Sanity et Nightingale, qui se rapproche bizarrement de son album solo Moontower, en moins bancal et en plus inspiré, cela va sans dire, et c'est peut-être l'ajout de sang neuf par le biais de l'inconnu Ragnar Widerberg qui fait toute la différence, vous imaginez bien qu'inconnu ou pas, si Swanö confie les cordes à un type extérieur qui sort de nulle part, c'est qu'il croit au potentiel du garçon, et il a bien raison car les riffs et les soli sonnent de manière plutôt inspirés ici, malgré tout, et c'est une bonne nouvelle, sans tomber dans la grosse masturbation guitaristique et les structures jazzy/prog déglinguées.
Witherscape fait dans la sobriété, conservant des structures simples et lisibles, avec une technique mise au service de chansons habilement construites sans en faire des tonnes, ce qui nous donne un Death progressif sophistiqué et léché,  toujours en équilibre entre la brutalité inhérente au Death Metal et les aspiration mélodiques et aventureuses du prog pur et dur, avec bien sûr une dualité dans le chant de Swanö, ce qui est sa marque de fabrique.
Même si le chant clair de Dan Swanö n'est pas particulièrement surpuissant ou impressionnant, il n'en demeure pas moins unique et plutôt reconnaissable, et ici plutôt varié (parfois aidé par quelques guests, notamment sur The Wedlock Observation), mais ce qui fait plaisir ici, c'est de retrouver ce chant clair allié à ce qui fait la force du suédois, son growl d'une profondeur inégalé, certes monolithique, mais toujours aussi jouissif, un clair obscur vocal qui fonctionne globalement sur tout l'album et rend les refrains diablement catchy et entraînant.
The Inheritance est avant tout une histoire de dosage, car le Death progressif repose souvent sur un équilibre précaire entre la violence et les mélodies, et comme avec tous les genres hybrides, on a vite fait de tomber dans le vide et de faire n'importe quoi, heureusement on parle de Dan Swanö, plus de vingt ans d'expérience au service de la cause, c'est pas pour tomber dans les pièges comme un perdreau de l'année.
Mother of the Soul ouvre donc l'album en couvrant tout le spectre Swanien, un Death sombre allié à un chant clair qui donne un petit sentiment horrifique, un excellent refrain catchy où se déroule cette fameuse alternance chant clair/Growl, une incursion vers le prog vers deux minutes avant un court solo Heavy/Power pour la route, on oublie pas non plus le petit passage atmosphérique avant le retour brutal du refrain, rien à dire, le père Dan est toujours capable de nous pondre des titres imparables et bien charpentés, le tout avec une certaine diversité, car les titres ne vont pas souvent ce répéter pendant les 43 minutes de la galette.
Astrid Falls change la donne, plus progressif et aérien, presque mélancolique avec une prédominance du chant clair, et des claviers aux sonorités rock progressives qui me rappelle un peu Pendragon ou un Ayreon, un titre calme et mélodique qui prendra son envol avec l'intervention du growl et d'un petit hurlement black pas vilain du tout.
L'album regorge de surprises et de titres qui ont chacun leur personnalité propre, et c'est parfois assez surprenant, Dying for the Sun est presque un titre typiquement Hard rock qui serait mélangé à du Death et à du prog des seventies, The Math of the Myth prend lui une direction très Power Metal progressif, alors qu'un Crawling from Validity part du côté de chez Ayreon avec des passages aux claviers toujours aussi stellaires, j'ai personnellement un petit faible pour Dead for a Day, un titre qui sonne très Melodeath dans son approche, mélangeant les passages acoustiques en chant clairs avec un gros refrain ultra catchy tout en growl et en mélodie, et qui nous offre un gros passage Death brise-nuque juste avant un solo bien Heavy Metal.
Il y a du bon sur chaque titre, les transitions sont toujours très fluides, et Witherscape nous offre huit titres (l'outro est un instrumental au piano pas franchement passionnant) de Death progressif, mélodique et riche de textures et d'émotions (comme les différents types de chants sur The Wedlock Observation qui couvrent tout le spectre du genre), faisant de The Inheritance une oeuvre d'une redoutable cohérence malgré le mélange des genres pratiqué ici, et c'est bien toute la force du disque, même si on regrettera une seule chose, c'est que malgré toutes ces qualités, l'album ne va pas vraiment plus loin qu'une sorte de Best of de Dan Swanö, couvrant toutes ses époques et ses projets majeurs, je ne peux m'empêcher de trouver ça un peu facile et safe de la part du suédois, qui donne à ses fans précisément ce qu'ils veulent entendre, sans nécessairement la volonté d'aller plus loin...

Malgré tout, on ne va pas bouder notre plaisir, car The Inheritance est quand même un excellent disque admirablement bien composé, ayant également le mérite de mettre une bonne branlée au dernier Opeth. (ouais, j'aime pas du tout cet album...)
Witherscape se situe donc à mi-chemin entre Edge of Sanity et Nightingale, un subtil mélange de Death Metal et d'aspirations Rock progressives, mais ce n'est que ça, aussi bon soit-il, j'aurais aimé une prise de risque supplémentaire car Dan Swanö navigue dans des eaux qu'il connait un peu trop bien, et l'album manque peut-être d'un supplément de folie et d'expérimentation qui en aurait peut être fait un très grand disque, à défaut The Inheritance n'est qu'un très bon disque, la différence est subtile mais elle est pourtant bien présente, et si vous êtes un familier de la discographie de Dan Swanö, vous êtes en droit de trouver l'album un peu léger.
Quoiqu'il en soit, retour aux affaires plus que réussi pour l'ami Swanö, un peu safe, certes, mais difficile de trouver un défaut majeur dans cette collections de titres tous plus solides les uns que les autres, réalisée par un véritable spécialiste du genre dont le talent n'est plus à démontrer.

Les bonnes vieilles recettes d'autrefois du père Swanö
Track Listing:
1. Mother of the Soul
2. Astrid Falls
3. Dead for a Day
4. Dying for the Sun vibe
5. To the Calling of Blood and Dreams
6. The Math of the Myth
7. Crawling from Validity
8. The Wedlock Observation 
9. The Inheritance