dimanche 7 juillet 2013

[Chronique] Extol - Extol

Il y a huit ans, Extol mettait un terme à son aventure, un pèlerinage qui l'avait vu passer du Death Metal progressif à un Metal classieux à la frontière du post-Rock, clap de fin pour un groupe aussi impressionnant que sous-estimé, imprévisible aussi, car jamais le groupe n'aura sorti deux fois le même disque, tout en conservant malgré tout une redoutable cohérence dans son évolution.
Pourtant, après l'annonce de la reformation l'année dernière, malgré mon excitation, j'ai flippé, car soyons sérieux, généralement, les groupes qui reviennent après un split de plusieurs années ont tendance à faire de la merde, heureusement, Extol est l'exception qui confirme la règle, car avec son album éponyme, les norvégiens ont décidé de frapper un grand coup pour leur résurrection, il faut croire que nos pèlerins n'étaient pas encore arrivés à destination, et une vois de plus, Extol nous propose une nouvelle facette de son art...

Malgré mon amour pour la discographie d'Extol, une chose m'a toujours quelque peu gêné, ce qui prête par ailleurs à sourire sachant que le groupe vient d'un pays qui nous a offert une tripotée de groupes œuvrant pour la gloire de Satan, c'est le message véhiculé par le groupe et les paroles, car Extol donne pas mal dans le prosélytisme à la gloire de Jésus Christ notre sauveur, un message souvent naïf et d'une certaine candeur pleinement assumée, jamais le groupe n'a cherché à planquer son message derrières des métaphores absconses, Extol d'un point de vue sémantique, c'est l'opposé d'un Dark Funeral, dans le sens où le groupe ne prend pas de gants pour hurler à la face du monde son adoration pour Jésus et ses potes, avec des paroles parfois tout aussi simplistes, je sais que c'est un détail, mais on est tellement habitué dans le Metal à voir des groupes parler ouvertement de Satan et des forces du mal de toutes sortes qu'on y fait même plus attention, c'est devenu banal, tout genre confondu, Extol c'est le hippie avec sa couronne de fleurs qui prend son bâton de pèlerin pour te défoncer la gueule avec en criant "Mais tu vas aimer Jésus Christ connard!"
Bizarrement, le message véhiculé par le groupe n'a jamais déteint sur la musique du combo norvégien, et même si le son s'était quelque peu adouci au fil des albums, surtout sur le très orienté rock The Blueprint Dives, Extol avait toujours conservé son côté abrasif qui défouraille, et malgré son évolution constante, les norvégiens ont toujours réussi à maintenir une identité très forte, peu importe l'album, peu importe les changements dans la formule, on reconnait le trademark Extol, et ce nouvel album ne fera pas exception.
Une fois de plus, le brassage des genres est à l'honneur, plus que jamais, devrais-je dire, un mélange des genres entre Death, Opeth, Coroner, le Deftones récent en plus progressif, qui nous prouve que le groupe n'a pas encore tout dit et n'a rien perdu au cours de son hiatus de ses capacités de création, et même si l'on reconnait aisément la patte Extol ici, ce n'est pas encore cette fois-ci que le groupe va se répéter et nous servir un plat facile et réchauffé, même si l'album me fait un peu pensé à une sorte de best of du meilleur du groupe, l'aboutissement des nombreuses expérimentations réalisées par le passé, mais jamais sans redite, avec cette volonté d'utiliser ces matériaux afin de créer un son véritablement unique.
On retrouve donc le côté Death furieux de Burial et de Undeceived, la facette progressive imprévisible de Synergy, et les mélodies aériennes de The Blueprint Dives, le tout enrobé de sonorités modernes, l'ensemble sonne très Heavy, comme si le groupe semblait revenir à la furie Death et Black des débuts, mais en y ajoutant de très nombreuses mélodies et de passages aériens, un exercice de funambule qui rend cet album particulièrement bluffant, atteignant un niveau de composition très élevé, un album qui s'articule autour de la batterie de David Husvik, toute en nuance, sans blast beats, mais avec un groove absolument colossal, une charpente sur laquelle vient s'appuyer le riffing toujours aussi étonnant et détonnant de Ole Borud, heavy, furieux, mais avec un sens mélodique imparable, et de multiples changements de rythmes et de bifurcations, la cerise sur ce magma en fusion, c'est bien sur le chant cette fois-ci très proche du Black de Peter Espevoll qui renforce encore plus cette impression de densité qui se dégage du disque, un chant plein de passion et de fureur, qui sera entrecoupé de refrain en chant clair proche de ce que l'on peut trouver chez Porcupine Tree.
Constamment sur le fil du rasoir, musicalement et vocalement, Extol est un album de clair-obscur, aux multiples textures, qui se dévoilent progressivement, un sacré trip entre enfer et paradis et un voyage vers la rédemption pour un groupe qui ne fait rien comme les autres.
Le groupe attaque donc avec un sacré pavé de violence polyrythmique avec un Betrayal savoureux, direct, très Heavy et sombre, qui sera illuminé par un refrain à la Steven Wilson, de la fureur, mais avec un souci de la mélodie, comme ce très noir Wastelands mid-tempo typiquement Death, mais avec juste ce qu'il faut de mélodie vocale et un solo planant de toute beauté, un sens de la dichotomie que l'on retrouvera d'ailleurs sur presque tous les titres, a des degrés divers, fortement appuyé sur un Faltering Moves qui propose des passages mélodiques en chant clair ahurissant surgissant d'un Death oppressant, plongeant dans la brutalité avec un Ministers rageur qui défouraille sévère, et faisant parfois dans un peu plus de nuance, comme le merveilleux A Gift Beyond Human Reach, un titre construit autour du jeu de batterie très intelligent de David Husvik, réellement impressionnant, avec une légère touche industrielle pas vilaine du tout au début du titre, j'aime aussi l'éponyme Extol, sur lequel transparaît une petite influence Black metal, notamment par les trémolo typiques du genre, sur lesquels on retrouve bizarrement un chant clair aérien, ce qui a pour résultat un titre à la fois dévastateur et tout en grâce, violent, mais contenant un excellent passage atmosphérique, petite pause salutaire avant une nouvelle accélération rageuse, un titre qui semble être une sorte de définition de ce qu'est le groupe aujourd'hui, avec également des paroles remerciant Dieu, "I've found peace, Your Breath of Life strengthen my bones, In my deepest desperation and fear, Your presence within my heart"
Malgré toutes ses qualités, Extol a quand même quelques petits pêchés à confesser, le chant clair est peut-être un peu trop présent et manquant d'un peu de variété, avec parfois ce sentiment d'entendre une angélique chorale d'enfants de chœur, de même sur certains titres, les riffs ont tendance à être totalement imprévisibles et l'on peut se perdre parfois dans ce labyrinthe, Behold the sun a un petit côté Tech Death un poil stérile et incompréhensible, de petits défauts mineurs, comme cet instrumental Dawn of redemption qui traîne un peu trop en longueur et qui casse quelque peu le rythme vers la fin de l'album, il aurait peut-être mieux valu le mettre comme titre final. 

Extol est donc un putain de retour et une addition de choix à la discographie conséquente des norvégiens, car une fois encore, il est très différent des albums précédents, tout en conservant l'identité des norvégiens, avec un dosage presque parfait entre mélodies, aspirations progressives et la sauvagerie Death technique flirtant avec le Black, avec une production massive et moderne qui lui sied particulièrement bien, et même si parfois le groupe en fait surement un peu trop et se perd de temps en temps dans des structures chaotiques, on sent que les norvégiens savent très bien où il vont, l'album faisant preuve d'une redoutable cohérence.
Chaque album étant différent, difficile de dire si celui-ci est meilleur que les autres, dans tous les cas, Extol propose une fois de plus une redéfinition de son style et de sa musique, incorporant le meilleur d'autres genres afin de créer une mixture originale qui envoie le pâté sans que ça tombe trop dans le n'importe quoi, un excellent moment de musique, et ce serait dommage de passer à côté à cause du message religieux omniprésent...

Au nom du Death, du Black, et du Saint Progressif, Amen...
Track Listing:
1. Betrayal
2. Open the Gates
3. Wastelands
4. A Gift Beyond Human Reach
5. Faltering Moves
6. Behold the Sun
7. Dawn of Redemption
8. Ministers
9. Extol
10. Unveiling the Obscure