mardi 29 janvier 2013

[Chronique] Voivod - Target Earth


Voivod a toujours été un groupe à part dans le Thrash, cumulant les succès d'estime plutôt que les succès commerciaux depuis plus de trente ans, et même si Nothingface aurait pu faire exploser le groupe aux yeux du grand public, le soufflet est vite retombé par la suite, mais au moins le groupe aura su se constituer une grosse base de fans hardcores même pendant les heures les plus sombres du groupes.
Voivod est le vilain petit canard anticonformiste qui ne fait rien comme tout le monde, trop geek, trop weirdo, trop antisocial,  plus le genre à passer ses soirées seul dans sa chambre à lire des comics de SF, bien trop bizarre pour toucher le grand public, et puis il y a le destin qui s'acharne, les problèmes de line-up, les changements de label à répétition, et surtout une longue traversée du désert, marquée notamment par le décès de Piggy en 2005, le principal compositeur du groupe.
C'est d'ailleurs après cet évènement tragique qu'on a bien cru le groupe perdu pour la cause à tout jamais, car même si Piggy apparaissait de manière posthume sur Katorz et Infini, on ne peut pas dire que ces deux albums furent bons, au contraire.
(Ok, je suis un peu dur avec le groupe, les albums studio étaient moisis, mais les albums live étaient vraiment très bons)
Bref, Target Earth, avec son hideuse pochette dessinée par un gamin de huit ans sous Paint, ne faisait pas particulièrement envie, même s'il suscitait une certaine curiosité de ma part, j'étais même presque sûr d'avoir à écrire une chronique négative... mais ça, c'était avant d'avoir écouté la bête, car miracle les amis, Voivod a sorti un putain de bon disque, et vu comment je suis difficile à contenter, vous pouvez me croire quand je vous dit qu'il est bon...

Comme d'habitude, les choses ont changé chez les canadiens, nouveau label, et surtout, nouveau line-up, même si rassurez-vous, Snake assure toujours le chant et Michel Langevin est de nouveau de la partie derrière ses fûts, exit Jason Newsted donc, ce qui n'est pas un grosse perte, remplacé par un revenant, Blacky, le bassiste originel du combo, ce qui nous fait donc les trois-quart des membres fondateurs présents sur cet opus.
Puis vient l'épineuse question du remplaçant de Piggy, et là, c'est le véritable coup de génie, puisque le nouveau venu, Daniel Mongrain, alias Chewy, va réussir à vous faire oublier que feu Piggy n'est plus de la partie, alors bien sûr, on retrouve certains gimmicks Voivodiens, c'est un fait, mais Chewy ne plagie jamais son prédécesseur, il s'en inspire, de manière respectueuse (après tout, c'est un gros fan du groupe à la base), et réussit l'exploit d'apporter sa touche personnelle, avec un niveau technique peut-être plus élevé que Piggy, notamment au niveau des soli, une excellente surprise, surtout que son association avec le revenant Blacky fait tout le sel de cet opus, qui voit Voivod de nouveau conquérant, revenir au son qui faisait sa force vers la fin des années 80.
Un duo basse/guitare qui retrouve toute sa cohésion, le chant presque punk de Snake, ainsi qu'un Langevin qui s'occupe des fondations avec un jeu toujours aussi inventif, et Target Earth ferait presque oublier les errements des périodes Eric Forrest et Newsted.
Un retour aux sources donc, avec un Voivod renouant avec les structures progressives à tiroir de la période Nothingface, mais pas seulement, car contrairement à pas mal de vieux groupes nous faisant le coup du fameux "retour aux sources vous allez voir ça va déchirer même si c'est pas vrai", Voivod va un peu plus loin, dans le sens où il ne se contente pas vraiment de seulement appliquer de vieilles recettes, non, Voivod subit ici une véritable cure de jouvence en voyageant dans son propre passé, car l'inspiration est cette fois-ci au rendez-vous, les canadiens font du neuf avec du vieux, dans le bon sens de l'expression, ils s'inspirent du passé, le transforme, le remodèle, afin de ne s'en servir que de base pour aller plus loin, un véritable coup de maître, assurément, car bien que sonnant très old school, Voivod n'a peut-être jamais été aussi ancré dans la modernité.
Bien sûr, j'ai eu du mal à rentrer dans cet album, j'ai même lâché un gros Meh lors des trois premiers titres pendant ma première écoute, avant de me faire botter le cul par l'énorme Mechanical Mind, qui avait pour moi lancé l'album et m'avait permis de rentrer véritablement dans ce disque, d'ailleurs, les trois premiers titres, j'ai vraiment appris à les aimer au fil des écoutes, comme quoi parfois, aimer un disque peut prendre un peu de temps.
Bon point également, la production, très claire, organique, chaque instrument est pleinement audible, notamment la basse, avec Blacky et son son de basse reconnaissable entre mille, qui a ici toute la place nécessaire pour s'exprimer sans pour autant bouffer tout l'espace, la basse donne l'impression de donner sa cohésion à l'ensemble, faisant le lien entre les guitares et la batterie, véritable point central de ces structures voivodiennes toujours aussi labyrinthiques, mais heureusement jamais bordéliques.
Voivod nous emmène dans un voyage au sein de son univers pendant une petite heure, sans jamais perdre l'auditeur en route, ni tomber dans des structures trop absconses, même s'il est difficile de pleinement rentrer dans le délire dès la première écoute, un disque qui se découvre lentement, très riche, et surtout passionnant, Voivod se fait tout à tour spatial, punk, planant, malsain, Thrash, tout ces éléments s'imbriquent facilement et avec fluidité, et le résultat est presque inespéré quand on regarde ce qu'à fait le groupe ces deux dernières décennies, la marque des grands, assurément...

Bref, vous l'aurez compris, si vous ne devez acheter qu'un seul disque en janvier, c'est celui-là.
Target Earth marque le retour au premier plan de Voivod, un Voivod plus progressif que jamais d'ailleurs, toujours aussi Heavy, Old School, et bien entendu toujours aussi bizarre et geeky, cela faisait bien longtemps que les canadiens ne m'avaient pas autant impressionné.
En fin de compte, peut-être que les deux albums précédents étaient des maux nécessaires afin de tourner la page et de commencer un nouveau chapitre de l'histoire du groupe...
Quoiqu'il en soit, Target Earth est une véritable tuerie, inattendue et inespérée, Chewy prouve ici qu'il est capable de prendre la relève de Piggy sans dénaturer le son du groupe, mieux, en incorporant de nouvelles choses, et le retour de Blacky est ce qui pouvait arriver de mieux au groupe, la sentence est donc sans appel, Voivod est grand, et frappe fort en ce début d'année, en espérant que ce line-up dure un peu, car Voivod a retrouvé toute sa cohésion en plus de son inspiration, bravo messieurs...

Voivod is back!
4.5 / 5