dimanche 24 juin 2012

[Chronique] Gojira - L'Enfant Sauvage

ça doit bien bien faire une heure que je contemple régulièrement cette page blanche, incapable de pondre une introduction correcte, et si vous êtes un lecteur assidu, vous avez surement dû déjà remarquer que mes intro sont généralement à chier, c'est pas mon truc, voilà, ça ne changera jamais.
Du coup, fuck it, y'en aura pas, même si vous parler de mon incapacité récurrente à débuter une chronique, c'est là le côté machiavélique de la chose, constitue un moyen détourné (et fort habile, vous en conviendrez) de commencer à écrire quelque chose.
Bref, ça fait plusieurs mois que le petit monde du Metal est en ébullition, depuis l'annonce du titre et de la date de sortie du nouveau Gojira, et pas seulement en France, car depuis l'onde de choc provoquée par From Mars to Sirius, Gojira pèse très lourd, une expansion renforcée par un The Way of the Flesh leur ayant permis de s'exporter sur le très convoité territoire nord-américain.
Quatre ans plus tard, le voici enfin, L'enfant Sauvage, le nouvel album des landais, désormais signés chez la toute puissante Warner, par le biais de Roadrunner; L'objectif est simple pour le groupe, poursuivre la conquête du monde, point barre, parce que pour les idées nouvelles et la prise de risque, ce n'est pas au programme aujourd'hui...

Bon, je vous fait part de mes deux premières réactions suites à ma première écoute de ce nouvel album:
1 - au moins une demi-heure après que le disque ce soit terminé: "Merde, pourquoi y'a plus de musique? oh le Gojira s'est terminé et je ne m'en suis pas rendu compte..."
2 - En jetant un coup d'oeil sur les notes que j'avais commencé à prendre avant de lâcher prise: "Oh putain les cons, ils nous ont fait une Meshuggah"
Ok, pour comprendre l'expression "faire une Meshuggah", je vous conseille la lecture de ma chronique du Koloss des suédois, pour résumer, un disque assez bon, sans prise de risque, qui reprend tous les ingrédients de la recette du groupe, bref, un très bon disque mais qui n'est ni excitant ni bandant.
L'enfant sauvage tombe malheureusement dans cette catégorie, si vous aimez Gojira, vous allez vraiment aimer ce disque, tout ce qui fait le son du groupe est là, cette espèce de Death Metal progressif planant et pseudo-intellectualisé, avec, comme c'était le cas avec Koloss, un groupe qui se contente de faire ce qu'il sait faire, en s'enfermant dans ses propres gimmicks, les tics de guitares, les ambiances, les bidouillages sur le chant, le tapping, et tutti quanti...

Ne vous méprenez pas, j'adore ce groupe hein, et je dois bien avouer que dans l'ensemble (en fait surtout les premiers titres), cette nouvelle livraison est plus que solide et montre un groupe sûr de son fait, mais qui vit malgré tout sur ses acquis sans avoir malgré tout la volonté (les moyens?) d'aller plus loin, L'Enfant sauvage est un très bon disque, simplement il va être très difficile de s'enthousiasmer en l'écoutant, le genre d'album que tu es plutôt content d'avoir acheté au début, et qui plus tard prendra la poussière pendant que tu écoutes les vieux albums.
Je parlais de Gimmicks un peu plus haut, c'est aussi le cas au niveau des thèmes abordés, la défense de l’environnement est toujours là, un thème sur lequel vient se greffer un paquet de questions métaphysiques, le sens de la vie, la place de l'homme dans la nature, on remarquera quand même la disparition des chants de baleines, merci de nous avoir épargné ça, d'ailleurs, à ce propos, ça en est où le fameux EP SOS Baleines qui doit sortir depuis deux ans? une méchante corporation à envoyé des espions pour casser le disque dur, c'est ça?

Par ailleurs, je n'ai rien contre les groupes de Metal qui signent sur des majors, je comprends même plutôt bien d'un point de vue financier, après tout, l'idéalisme, la défense des baleines, tout ça, c'est bien gentil quand t'as vingt ans, mais ça ne paie pas les factures, mais dans le cas de Gojira, signer un contrat avec une multinationale qui vend des disques comme des paquets de lessive avec autant d'entrain qu'un fonctionnaire des impôts, alors que dans le même temps tu sors un disque aux thèmes existentialistes limite Hippies parlant en gros d'un type qui vit dans les bois, je trouve le paradoxe suffisamment cocasse pour me permettre de le signaler, ce qui ne change pas ma manière d'appréhender ce disque, je vous rassure, même si une des causes à ce manque cruel de prise de risque peut s'expliquer en partie par cet état de fait.
Après tout, le groupe s'est délocalisé à New York pour enregistrer, je suppose que pas mal de pognon a été investi (ouais, c'est pas demain la veille que Gojira va nous ressortir la production brute de décoffrage, qui lui allait bien, des deux premiers albums, le son est très clean et très massif une nouvelle fois ici), et donc, plutôt que d'innover avec tous les risques que cela comporte, le groupe aurait-il choisi de plutôt enfoncer le clou avec une formule qui lui a permis de faire son trou aux states, afin de grandir encore plus, désormais soutenu par un gros label qui va marketer tout ça aux petits oignons, sachant qu'en plus les médias US leur mangent déjà dans la main?
Ben ouais, c'est ça le problème, Gojira est trendy depuis ses deux derniers albums, et n'a aucune raison de changer sa formule, d'ailleurs le titre de l'album en français fera surement plaisir aux hipsters ricains de Brooklyn Vegan, en parlant de hipsters, il parait même que depuis qu'ils ont écouté l'album, les gars de Metalsucks et de Pitchfork se masturbe collectivement à chaque écoute...

Mais bon, parlons un peu du disque, puisque c'est de ça qu'il s'agit ici, c'est une chronique après tout.
L'enfants sauvage, ce n'est pas si compliqué que ça, les quatre premiers titres sont excellents, les meilleurs de l'album, par contre après la petite interlude The Wild Healer, on rentre dans du remplissage jusqu'à la fin, certes, aucune bouse sur ce disque, c'est même plutôt bon, mais sans vraiment de moments accrocheurs qui retiendront l'attention, avec la même recette qui est répétée à l'envie.
Une recette qui n'a pas changé d'un poil, on reprend tous les éléments qui ont fait le succès de From Mars to Sirius et de The Way of the Flesh, le son du groupe est toujours là, les gimmicks aussi, bref, Gojira fait du Gojira, et le fait toujours aussi bien, cet espèce de Morbid angel végétarien planant, avec ce matraquage incessant à la batterie, tapping, riffs de bûcherons, et toujours ces fameux passages atmosphériques.
Le titre d'ouverture, Explosia, c'est juste le meilleur titre de l'album, qui démarre sur les chapeaux de roue, avec le son typique du groupe, sûr de sa force, mais c'est surtout après deux minutes que Gojira impressionne, avec ce long passage tout en rage et en émotion, très planant et très lourd à la fois, le titre suivant, le single L'enfant sauvage, malgré ses qualités, est naturellement un peu en dessous, la aussi, le côté plus "émotionnel" est particulièrement mis en avant, le chant de Joe Duplantier y est d'ailleurs pour beaucoup.
The Axe prend lui un tournant plus incantatoire, une fois de plus avec le chant, pour un titre très sombre et heavy, avec ce côté sinueux pas déplaisant du tout, par contre au niveau du chant, je ne suis pas un grand fan du chant robotique au vocoder sur le refrain de Liquid Fire, c'est con, le titre est vraiment excellent, une fois de plus, les ambiances mélancoliques sont très bien rendues malgré la fureur métallique que nous offre le groupe.
C'est donc par la suite que le groupe va un peu se perdre et commencer à sérieusement tourner en rond, en ressassant les mêmes trucs, pour une jolie collection de fillers, pas franchement mauvais, on passe même un moment plus qu'agréable, il faut dire que Gojira maîtrise son affaire comme personne, mais le problème est surtout qu'au final on en retient pas grand chose, en poussant encore plus le côté planant et atmosphérique de sa musique, le groupe perd en impact et en force brute, alors ouais, c'est joli, aérien, mais une sorte de matraquage atmosphérique à l'esthétisme vain et qui s'avère pénible sur la longueur, à la limite, The Gift of Guilt avec son petit côté lancinant sort quelque peu du lot, tout le contraire d'un Pain is a Master sans intérêt ou de la platitude d'un Planned Obsolescence...

Bref, mon sentiment est plus que mitigé après de nombreuses écoutes de cet Enfant Sauvage au final très domestiqué voir même corrompu par le monde moderne par certains aspects.
Nous sommes en territoire connu, avec ses sentiers balisés et un Gojira qui nous prend par la main, impossible de se perdre dans l'univers désormais plutôt aseptisé du groupe, bien sûr, un album correct de Gojira, ça équivaut à un disque génial d'un autre groupe, mais quand même, j'attendais un peu plus de Gojira, qu'ils aillent de l'avant, expérimentent, mais non, on a droit à du Gojira qui nous fait du Gojira, rien de plus.
Le plaisir que vous prendrez avec ce disque dépendra finalement de vos attentes, si vous aimez ce que faisait le groupe avec ses deux derniers albums et que vous ne souhaitez pas que ça change, L'Enfant Sauvage est une putain de réussite, la recette est exactement la même, avec les ingrédients et le coup de main qui ont fait la réussite du groupe.
Seulement voilà, j'attendais plus que la bonne vieille soupe des frères Duplantier qui s'avère en fin de compte un peu fadasse, pour moi en tout cas, je trouve que le groupe tourne beaucoup en rond et se tient à une formule qui marche sans vouloir (pouvoir?) aller plus loin, et là réside le risque de s'enfermer dans son confort, ses gimmicks, et de devenir une propre caricature de lui même.
Pour le moment, ça fonctionne encore, et c'est bien le principal, un album qui devrait renforcer le statut du groupe en France et bien sûr hors de nos frontières, mais pour moi une déception malgré tout, un très bon disque, mais qui ne me fait absolument pas bander, sans la magie des opus précédents...

Du Gojira, rien de plus, à vous de voir si ça vous suffit...
3 / 5